Nicolas Mackel est, depuis 2013, l’ambassadeur de la place financière luxembourgeoise hors des frontières. (Photo: Andrés Lejona/Maison Moderne)

Nicolas Mackel est, depuis 2013, l’ambassadeur de la place financière luxembourgeoise hors des frontières. (Photo: Andrés Lejona/Maison Moderne)

Depuis son arrivée en 2013 à la tête de Luxembourg for Finance, Nicolas Mackel n’a de cesse de miser sur l’union des forces vives pour imaginer le futur d’une Place qui se veut durable. L’ancien diplomate est aussi devenu un interlocuteur régulier des médias à l’étranger. Un atout précieux pour attirer de nouveaux acteurs.

Luxembourg for Finance a récemment lancé la campagne «Eis Finanzplaz», présentant la place financière au grand public. Pourquoi cette démarche?

 – «Nous avons pensé qu’il était important d’expliquer au grand public les différentes activités du principal secteur économique du pays, d’expliquer sa place dans l’industrie financière européenne, pourquoi les acteurs internationaux choisissent le Luxembourg… L’idée de cette campagne avait germé lorsque le Brexit a entraîné des . Nous avions senti que les gens ne comprenaient pas pourquoi nous pouvions nous réjouir de notre succès, notamment dans le contexte de l’arrivée de nouveaux acteurs. Cette campagne vise aussi à expliquer que nous profitons tous de l’importance du secteur financier, directement ou indirectement.

Pourquoi ce succès est-il encore méconnu?

«Les gens ont souvent une relation, sinon critique, du moins distanciée vis-à-vis de l’industrie financière. On oublie que, dans sa grande majorité, elle est une force pour le bien commun. Toutes les entreprises et la plupart des particuliers contractent des prêts, tout le monde investit directement ou indirectement dans des fonds, les hôpitaux sont financés par exemple via des emprunts obligataires… La finance est omniprésente dans nos vies. Et puis, et c’est un phénomène très luxembourgeois, on prend pour acquis notre niveau de vie. On oublie parfois d’où vient le succès.

D’où viendra justement le succès pour le futur de la Place?

«Il viendra de l’approche ‘sustainable’, au sens large du terme. Être une place financière durable veut dire non seulement s’occuper des investissements ‘ESG’, mais aussi que la Place elle-même essaie d’être durable dans sa gouvernance. Cette approche inclut aussi la compétitivité, car sans compétitivité il n’y a pas de durabilité.

Vous êtes arrivé en 2013 à la tête de LFF, en pleine période post-crise de 2008. Qu’est-ce qui vous a motivé à endosser ce poste?

«Je croyais profondément au Luxembourg, en mon pays. Je suis devenu fonctionnaire non pas par facilité, mais car je souhaitais faire quelque chose dans l’intérêt général. En tant que diplomate, c’est ce que vous faites. Je crois avoir accompli ma mission avec engagement et conviction. C’est probablement la raison pour laquelle – ministre des Finances à l’époque – a eu l’idée de me solliciter. J’ai naturellement transféré ma confiance en mon pays dans une confiance en l’industrie principale du pays.

J’imagine que certains ont pu se demander si je connaissais suffisamment le monde de la finance lorsque j’ai été nommé. Mais être généraliste est une expertise en soi.
Nicolas Mackel

Nicolas MackelCEOLuxembourg for Finance

Votre expérience de diplomate vous a aidé?

«Énormément. C’est un travail dans lequel le relationnel est important. Je crois, à cet égard, avoir réussi à rassembler et à fédérer les différents acteurs de la Place autour de la plateforme qu’est LFF. Dans la formulation du message que nous voulons véhiculer à l’extérieur, être diplomate m’a beaucoup aidé également. J’imagine par ailleurs que certains ont pu se demander si je connaissais suffisamment le monde de la finance lorsque j’ai été nommé. Mais être généraliste est une expertise en soi, cela m’a beaucoup aidé pour prendre un peu de recul, pour considérer la forêt et pas seulement les arbres. C’est ça qui m’a permis, au fil du temps, de définir un message cohérent dans l’ensemble.

Quelle est la substance du message?

«Il faut tout d’abord prendre en compte que la promotion du Luxembourg, c’est plus que la somme des promotions et du développement sectoriels. Le message général que nous véhiculons diffère selon que l’on parle à l’industrie financière ou aux journalistes. Aux journalistes, le message principal est que le succès du Luxembourg n’est pas dû à des questions fiscales, mais à son expertise. À l’industrie, nous disons que ‘le Luxembourg vous aide à réaliser vos projets, où qu’ils soient’.

Parle-t-on d’un travail ou une vocation?

«C’est entre le bénédictin, le pèlerin, l’évangéliste… Il faut avoir foi dans ce que l’on fait, pour rester dans l’allusion au vocable religieux. Il faut voir cela comme une mission, mais je n’irais pas jusqu’à dire qu’il faut de l’abnégation.

La notion d’influence est au cœur du classement du Paperjam Top 100. Peut-on arriver à gérer son influence?

«Ça vient au fil du temps. On n’est pas nécessairement écouté à cause de la fonction que l’on exerce. L’influence reflète selon moi le résultat du travail qui a été accompli, le rôle que l’on occupe avec son équipe. Je considère que nous avons réussi chez LFF à vraiment donner une nouvelle substance à la mission de cette agence, mission qui a rejailli sur l’industrie financière et ses acteurs, qui ont pu aussi se projeter au travers de notre mission.

C’est le résultat du travail d’une équipe et du CEO qui donne l’impulsion

«En toute humilité, peut-être. C’est le CEO qui donne le ‘la’, qui montre l’exemple, qui stimule une équipe. J’accorde beaucoup d’importance à créer et maintenir un environnement dans lequel la créativité des gens est stimulée. On les stimule aussi dans leur motivation en leur montrant que ce que l’on fait a une importance plus grande que l’accomplissement ‘d’une simple tâche’. J’ai eu beaucoup de chance d’avoir des actionnaires (créée en 2008, Luxembourg for Finance est un partenariat public-privé entre le gouvernement et la Fédération des professionnels du secteur financier, ndlr) qui nous ont toujours fait énormément confiance. Cette latitude dans nos actions a créé les conditions du succès. Or, vous n’obtenez ni la confiance ni l’influence sans être crédible par ce que vous accomplissez.

Je crois que nous avons réussi, avec d’autres acteurs, à sensibiliser plusieurs journalistes et médias à la réalité du pays pour éviter que des choses erronées paraissent dans la presse.
Nicolas Mackel

Nicolas MackelCEOLuxembourg for Finance

Comment travaillez-vous le message que vous adressez aux médias internationaux qui vous sollicitent très régulièrement?

«C’est la partie la plus périlleuse de ma mission. Je crois que, jusqu’ici, je n’ai pas commis trop de bourdes. C’est un exercice qui nécessite de travailler constamment son narratif, avec une boîte virtuelle qui contient différentes pièces de Lego. Ces pièces de différentes tailles, de différentes formes, de différentes couleurs vous permettent de composer votre narratif. Dans une interview, vous devez être capable de mettre la main dans la boîte et d’assembler les pièces en fonction de ce dont vous avez besoin. Écrire des articles ou des discours m’aide aussi beaucoup, car l’exercice me permet de formuler et d’imaginer ces blocs de Lego qui me permettront ensuite de survivre trois minutes sur un plateau de télévision!

Est-ce un facteur de succès pour l’agence d’être sollicitée régulièrement par les médias internationaux?

«On s’est souvent posé la question de la mesure de notre succès. Faut-il se donner des ‘KPI’ portant sur un nombre d’interactions avec des journalistes? Qu’est-ce qu’une interaction avec un journaliste? Je crois que nous avons réussi, avec d’autres acteurs, à sensibiliser plusieurs journalistes et médias à la réalité du pays pour éviter que des choses erronées paraissent dans la presse. C’est une grande satisfaction, mais c’est un travail qu’il faut continuer à mener constamment. L’autre travail important, mais qui a été freiné par la pandémie, est le business development, à savoir aller frapper aux portes des banques des gestionnaires, des assureurs à travers le monde.

Quel impact aura la crise sur la manière de communiquer?

«Elle aura un impact énorme et durable sur la manière dont nous allons organiser nos événements à l’avenir. J’ai dit à notre board que nous avons basculé vers le digital et que nous resterons dans le digital, car nous pouvons atteindre un public bien plus important, à la fois qualitativement et quantitativement. Tous les moyens technologiques pour réaliser des campagnes de promotion digitales facilitent la prise de contact. L’avenir de notre activité événementielle, des road-shows, sera digital. Dans la communication, nous étions déjà sur une voie digitale et nous avons décidé d’arrêter la production de papier. Toute notre communication est conçue pour le digital et le mobile. Quant au business development, en revanche, dès que nous pourrons reprendre l’avion, nous le ferons. On n’a pas encore trouvé la parade pour se connecter, surtout avec des gens avec lesquels on n’a pas encore de relations.

Je crois que le Luxembourg est en pole position dans la course à la finance durable.
Nicolas Mackel

Nicolas MackelCEOLuxembourg for Finance

Quelle est votre ambition pour les 10 prochaines années de LFF?

«Nous sommes une fabrique d’idées et nous voulons être perçus de la sorte. Notre ambition est de venir constamment nourrir le pipeline sur ce qu’on doit faire pour représenter la Place ou pour attirer de nouveaux acteurs. Ne pas se satisfaire du statu quo pour que le gâteau de l’économie puisse grandir et que chacun puisse continuer à prétendre en prendre une part.

Les crises sont aussi synonymes d’opportunités. Quelles sont les opportunités qui découleront de cette crise pour la Place?

«Puisque nous sommes déjà très bien positionnés dans le durable, en particulier environnemental, et que la crise va accélérer ce mouvement, je crois que le Luxembourg est en pole position dans cette course. La Bourse est notre vaisseau amiral, mais les fonds d’investissement sont déjà très bien positionnés dans cette thématique, ce qui fait que 35% des avoirs dans les fonds qui investissent dans des énergies renouvelables en Europe sont issus de fonds luxembourgeois. Maintenant, nous devons élargir ce chiffre. La réduction de la taxe d’abonnement pour les fonds durables annoncée par le gouvernement va probablement jouer en notre faveur. Nous voyons aussi que les grands gestionnaires d’actifs cherchent à s’engager dans ce mouvement. Si nous savons proposer une plateforme à ces acteurs, le Luxembourg sera bien positionné pour l’avenir. Pour le reste, nous devons continuer à développer notre expertise, ce qui passe par la formation. L’Université a redéfini ses curriculums de manière à mieux servir l’industrie financière, avec par exemple un master en sustainable finance.


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Quid du Brexit?

«Le Brexit va continuer à nous occuper. L’ambiance générale dépendra de l’aboutissement d’un accord, bien que l’industrie financière ne soit pas comprise dans celui-ci. Si les deux parties se quittent dans une mauvaise ambiance, cela n’aidera pas l’industrie financière, pour laquelle la Commission devra définir des mesures unilatérales. Elles différeront selon la séparation avec ou sans accord. L’industrie financière a besoin d’un momentum positif pour que des régimes d’équivalence puissent constituer des petits ponts par-dessus la Manche.

Quel impact aura cette crise sur notre manière de vivre?

«Le principal impact concernera notre relation au travail. La normalité du ‘métro-boulot-dodo’ va être remise en question. Avec le télétravail, les gens ont découvert qu’on peut travailler autrement et que c’est agréable. Ce qui est en revanche irremplaçable est l’interaction humaine, qui permet d’échanger et qui donne naissance aux idées qui sont si précieuses. Cette dynamique n’est pas possible en télétravaillant. Mais la qualité de vie de ceux qui ont un long trajet est fondamentalement améliorée, leur productivité et leur créativité peuvent s’en ressentir. Nous devons donc repenser notre relation au travail et la manière dont cette relation se définissait.

Quelle importance accordez-vous à votre présence dans le Paperjam Top 100?

«Comme le vent pousse les voiles d’un bateau, ce type de classement et les commentaires positifs que l’on peut recevoir des uns ou des autres sont extrêmement encourageants.»

Nicolas Mackel obtient la 7e place du classement du Paperjam Top 100 2020, présenté dans le numéro de janvier 2021 du magazine Paperjam, en kiosque à partir du 17 décembre.

Ce que dit le jury de Nicolas Mackel

Véritable ambassadeur de la place financière à l’international, Nicolas Mackel a fait entrer Luxembourg for Finance dans une autre dimension au point de devenir incontournable pour le développement du principal secteur de notre économie.
Jury du Paperjam Top 100

Jury du Paperjam Top 100

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