L’ABBL et la CSSF reconnaissent les difficultés d’ouverture de comptes pour les entreprises et mettent des solutions sur la table. (Photo: Shutterstock)

L’ABBL et la CSSF reconnaissent les difficultés d’ouverture de comptes pour les entreprises et mettent des solutions sur la table. (Photo: Shutterstock)

Liste des documents pour l’ouverture d’un compte, des obligations de vérifications pour la banque, contacts clés… Face à la difficulté d’ouverture d’un compte pour certaines entreprises, l’ABBL, la House of Entrepreneurship (Chambre de commerce) et la CSSF proposent plusieurs solutions.

L’ouverture d’un compte en banque pour une entreprise deviendra-t-elle un jeu d’enfant? L’Association des banques et banquiers Luxembourg (ABBL) et la Commission de surveillance du secteur financier (CSSF) proposent en tout cas des solutions.

, cette étape était en effet devenu un véritable parcours du combattant.

Patrick Want, comptable à l’origine d’une pétition sur le sujet, confirme. «Nous rencontrons des banques qui refusent d’ouvrir des comptes à nos clientes holding. Parce qu’elles estiment que le jeu n’en vaut pas la chandelle. Sinon, elles ferment des comptes ou ajoutent des frais exorbitants de KYC (Know Your Customer, ndlr), jusqu’à 5.000 euros par an». Pourquoi? «C’est très opaque. J’ai le sentiment qu’à partir du moment où vous ne rapportez rien à la banque, vous ne les intéressez pas.» Deux solutions existent: «Ouvrir un compte chez Revolut (banque en ligne, ndlr). Ou dans un autre pays. Mais si la société est basée au Luxembourg, ils ne veulent pas la plupart du temps.»

Cela concerne aussi les start-up, ajoute le député membre de la commission des Finances, (CSV). «Il y a deux problèmes. Celui de la réglementation. Beaucoup de jeunes entreprises n’ont peut-être pas toutes les informations nécessaires sur les documents à fournir: bénéficiaires, origine des fonds… Et celui de la rentabilité. Le compte représente un coût de fonctionnement pour la banque. Et de l’autre côté, les banques ne gagnent rien avec la gestion de ce compte.»

Le problème touche la compétitivité du pays,

Le député a mis le sujet à l’ordre du jour d’une commission des finances de la Chambre des députés, vendredi 30 juin. L’ABBL et la CSSF y ont listé leurs propositions.

1. Les ressources humaines

«La pression réglementaire, croissante, a un coût», justifie le secrétaire général de l’ABBL, Camille Seillès. «Dans une , nous l’avons estimé à 550 millions d’euros pour les banques. Dont 80 millions pour la conformité AML (lutte contre le blanchiment d’argent, ndlr). Quand une banque accepte un nouveau client, elle a des coûts de conformité AML. Pas seulement informatiques, mais aussi en ressources humaines.»

Ces profils se font rares. «Nous n’avons pas de chiffre, mais il y a une grande pénurie sur les profils “conformité”». La solution réside dans «l’attractivité du pays».

La formation représente une option. «Il y a un monde entre une PME et une structure complexe. Des fonds alternatifs rencontrent des difficultés à ouvrir un compte à cause de la complexité de leur structure. Il y a plusieurs sociétés interposées, il faut faire une due diligence approfondie. Toutes les banques n’ont pas les ressources pour. Dans ce cas, il n’est pas raisonnable de prendre à bord ces clients. C’est une décision commerciale liée aux disponibilités et à la politique de risque de la banque.» L’ABBL propose, face à cela, des formations pour les compliance officers.

2. La sensibilisation

«Les obligations de la banque ne sont pas toujours comprises par les entrepreneurs. C’est légitime, la quantité d’informations à fournir peut surprendre. Mais ce n’est pas pour le plaisir de remplir des classeurs. C’est parce que la banque a elle-même des obligations professionnelles, sous peine de sanctions.» L’ABBL a donc créé une brochure de sensibilisation avec la House of Entrepreneurship (HOE) de la Chambre de commerce. Le document résume les étapes, du questionnaire client à la tenue des informations à jour.

3. Les bons partenaires

Les entreprises oublient «souvent qu’il y a plus de 120 banques au Luxembourg. Cela va au-delà des guichets qu’on croise en se promenant en ville.» L’ABBL prépare une liste des établissements «prêts à accueillir» chaque type de client.

«Avec des contacts dédiés. Nous faisons cela pour les fintechs, les start-up, les PME, les fonds alternatifs». Une «quinzaine ont déjà répondu présent pour y figurer». L’association prévoit une publication d’ici la fin de la semaine.

4. La simplification

La CSSF jouera aussi son rôle. «Les banques doivent prouver qu’elles remplissent certaines conditions. Claude Marx (le directeur général de la CSSF, ndlr) a dit que la procédure serait revue. Ceci pour faciliter les démarches que les banques doivent effectuer au niveau de la CSSF», complète Laurent Mosar.

Interrogée, la CSSF renvoie vers l’ABBL. «L’application du cadre AML et des obligations d’identification fait l’objet d’un dialogue continu avec le régulateur», détaille . «Pour qu’ils soit appliqués de manière cohérente et proportionnée au risque», sans pour autant modifier ces règles.

5. L’Open Finance

«Une autre piste de réflexion est la simplification administrative», poursuit le secrétaire général. «Je suis optimiste quant à l’Open Finance et de manière générale le partage de données entre opérateurs économiques. Le challenge pour une banque est d’avoir les bonnes données au bon moment. À l’avenir, il devrait être plus facile pour une banque de documenter un client. Parce qu’elle pourra s’appuyer sur le KYC déjà fait par un autre établissement», espère-t-il.

Vers une obligation d’ouvrir un compte aux entreprises?

«Je suis content que le problème soit reconnu par les acteurs», commente Laurent Mosar. «J’avais l’impression que jusqu’à présent, chacun se renvoyait la balle.» Le député estime que «ces propositions vont dans la bonne direction». Suffiront-elles à résoudre le problème? «L’avenir nous le dira. Je pense qu’il faudra réfléchir à inscrire une obligation pour les banques d’ouvrir un compte aux personnes morales.»

Patrick Want partage son avis. «Obliger à l’ouverture d’un compte minimal, qui permet de recevoir de l’argent et payer des factures.»

Laurent Mosar se laisse «jusqu’à l’automne pour voir si ces mesures auront déjà eu des effets». Et assure qu’il gardera le sujet à l’œil.

Le CEO de la Lhoft, , quant à lui, proposait la fin de la nécessité d’un IBAN luxembourgeois, réclamé par les notaires.