Quatorze mois après qu’il ait jeté un pavé dans la mare des 40 heures luxembourgeoises et cinq mois après qu’il ait annoncé avoir demandé une étude, le ministre du Travail, (LSAP), n’a toujours pas livré son analyse d’impact d’une réduction du temps de travail hebdomadaire.
Celle qui deviendra probablement la tête de liste du LSAP pour les prochaines élections législatives d’octobre, . La femme politique la plus populaire du pays a appelé à mesurer la complexité de cette idée et à mener un débat constructif, là où (DP).
S’il est difficile de se faire une idée de la situation au Luxembourg, faute de statistiques officielles structurées, la Suisse a pris de l’avance. Les données de l’Office fédéral de la statistique éclairent justement cette «complexité», rappelée par la future Spëtzekandidatin, à la lumière d’une réalité factuelle: si la durée du temps de travail en Suisse est de 45 heures par semaine avec un certain nombre de dérogations vers davantage d’heures hebdomadaires, la réalité du temps de travail est de 30,6 heures par semaine.
Se plonger dans le détail des secteurs d’activité croisé avec les nationalités et le sexe de l’employé montre d’énormes divergences, des 47,2 heures par semaine pour un travail dans l’agriculture d’un homme qui n’est pas suisse et les 17,1 heures par semaine d’une femme suisse dans les arts, les loisirs et les ménages privés.
Dans son étude économique de la Suisse, publiée au début de l’année 2022, l’OCDE pointait un autre phénomène: «La proportion élevée de femmes travaillant à temps partiel (45% contre une moyenne de 25% dans les pays de l’OCDE) pourrait être réduite notamment en augmentant les services de garde d’enfants pour diminuer leur coût et en révisant, dans le système de prélèvements et de prestations, les contre-incitations financières au travail qui s’exercent sur les deuxièmes apporteurs de revenu».
Moins huit jours de travail en dix ans
Car, outre le secteur d’activité, le calcul de la durée hebdomadaire effective de travail «absorbe» aussi les contrats à temps partiel en les sous-divisant en temps partiel de 50 à 89% de la durée légale de travail et en temps partiel de moins de 50%. Les «temps pleins» travaillent en moyenne 39,3 heures, les temps partiels 50-89 17,8 heures et les temps partiels à moins de 50% 9,1 heures.
Et lorsque l’on se penche sur la méthodologie, Svolta (pour statistique du volume du travail) a permis d’analyser l’évolution de la diminution des heures travaillées chaque année. Les autorités suisses expliquent qu’«entre 2010 et 2019, la durée annuelle effective de travail par personne active occupée a diminué de 3,9%, soit une baisse de 7,4 jours de travail. Cette réduction peut être expliquée par la croissance du temps partiel et des vacances, la hausse de certains types des absences ainsi que la baisse des heures supplémentaires. Le recul est plus fort chez les hommes (-5,2%) que chez les femmes (-1,1%) et chez les Suisses (-4,6%) que chez les étrangers (-3,2%). L’horaire de travail s’est davantage réduit chez les indépendants (-8,4%) que chez les salariés (-2,9%). La baisse a été plus marquée chez les personnes avec enfants de 0 à 6 ans (-6,8%) que chez les personnes avec enfants de 7 à 14 ans (-3,7%) et que chez les personnes sans enfant de moins de 15 ans (-4,1%).»
Italie, Autriche et France réduisent le temps de travail
Économie ouverte, dans laquelle travaillent de nombreux frontaliers, la Suisse n’est pas isolée. «La durée de travail a reculé aussi bien dans l’Union européenne (-7,3%) que dans la zone euro (-8,3%) entre 2010 et 2020. En comparant avec les pays voisins, la baisse du temps de travail en Suisse est plus forte qu’en Allemagne (-6,6%) et moins forte qu’en Italie (-12,3%), en Autriche (-9,8%) et en France (-9,0%).»
Et partout, les questions sont les mêmes: une réduction de la durée légale du temps de travail a-t-elle vraiment un effet sur l’emploi? A-t-elle un effet sur le bien-être des employés au point que les absences diminuent et que le nombre d’heures travaillées augmente? A-t-elle des conséquences sur d’autres phénomènes? À ces questions-là, la Suisse ne répond pas. Restant sur un modèle de «valorisation» permanente du salarié pour en obtenir la meilleure productivité possible.