«L’UE ne doit pas être seulement une machine qui légifère, elle doit aussi faciliter la vie des Européens», explique Claude Turmes, au sujet du programme Interreg. (Photo: Romain Gamba / Maison Moderne)

«L’UE ne doit pas être seulement une machine qui légifère, elle doit aussi faciliter la vie des Européens», explique Claude Turmes, au sujet du programme Interreg. (Photo: Romain Gamba / Maison Moderne)

Créé en 1990, Interreg célèbre ce lundi ses 30 ans. Programme de coopération transfrontalier, il vise à faciliter la vie au quotidien des Européens et à dynamiser l’économie, notamment via le financement de projets dans des domaines tels que l’environnement, l’éducation, la culture, ou encore la mobilité.

Luxembourg est de loin l’espace européen où il y a le plus de frontaliers. Pour cette raison, sûrement, le pays a été à l’initiative de la création du programme Interreg en 1990, qui fête aujourd’hui ses 30 ans d’existence. Un programme qui vise à «dynamiser l’économie et à faciliter la vie de tous les jours de citoyens qui ont des passeports différents, mais qui vivent sur un territoire commun», explique le ministre de l’Énergie et de l’Aménagement du territoire, (Déi Gréng). Et, in fine, à atténuer les frontières.

Au départ limité à la Grande Région, Interreg s’est ensuite étendu: en 1994, Interreg North-West Europe voit le jour, incluant la Suisse, la Belgique, la moitié nord de la France, l’ouest de l’Allemagne, le sud des Pays-Bas, et même l’ensemble du Royaume-Uni. «Avec des programmes moins axés sur la vie au quotidien, mais davantage sur les universités et la recherche», précise Claude Turmes. Puis, en 2000, Interreg Europe intègre l’ensemble des pays de l’UE.

193 millions d’euros d’investissement

386 projets de coopération Interreg avec une participation luxembourgeoise ont ainsi été mis en œuvre au cours des 30 dernières années (303 Grande Région, 62 North-West et 21 Europe), ce qui a entraîné la coopération entre 2.400 partenaires (550 luxembourgeois), 193 millions d’euros d’investissement global de partenaires luxembourgeois, dont 81 millions d’euros de cofinancement européen obtenus par les partenaires luxembourgeois via le fonds Feder.

Ces partenariats luxembourgeois incluent beaucoup de partenariats publics-privés, et peuvent inclure entreprises privées, ONG, autorités publiques, universités, ou même syndicats.

5 Interreg se sont succédé depuis sa création, le dernier s’étendant sur la période 2014-2020, avec des budgets croissants, atteignant 29,4 millions d’euros de cofinancements européens au Luxembourg pour «Interreg V».

Ces projets Interreg, qui peuvent être cofinancés à hauteur de 60% du budget total, s’articulent autour de 7 axes, allant de l’innovation et développement économique à l’environnement, en passant par l’énergie.

Les premiers projets transfrontaliers financés par Interreg concernaient la dépollution des eaux, avec une coopération entre la Belgique et le Luxembourg, notamment une station d’épuration côté belge pour traiter des eaux luxembourgeoises.

Des projets de proximité

Certains programmes permettent de trouver des solutions à des problèmes très prégnants au Luxembourg, comme la mobilité. Ainsi le programme MMUST permet, au niveau de la Grande Région, une analyse fine des mouvements transfrontaliers. «En anticipant les flux, cela permet d’améliorer les offres des transports publics», explique Claude Turmes.

Pour dynamiser et promouvoir les vins mosellans au niveau européen, sans distinguer selon qu’ils soient français, allemands ou luxembourgeois, le programme «StrategiesExportViniGR» met en place une stratégie de soutien à la vente pour les petits domaines viticoles, sans se préoccuper des frontières.

Le programme «Pôle automobile européen» met quant à lui en place une coopération pour tous les acteurs industriels automobiles de la Grande Région, en permettant des échanges de compétences entre les différents acteurs.

Ces projets sont souvent de proximité, et ceux, au niveau européen, d’Interreg Europe sont plus rares. Deux projets européens sont répertoriés parmi les 69 d’«Interreg V», dont le projet «Night Light», qui vise à réduire la pollution lumineuse. «Dans des domaines où un pays n’a pas beaucoup d’expérience, le programme Interreg permet de faire de grands pas en avant grâce à l’apport des compétences extérieures», assure Claude Turmes.

Échanges facilités

Pour faciliter l’accès aux financements d’Interreg, alors que cela peut s’avérer parfois complexe, des points de contact ont été mis à disposition, pour permettre de guider les entreprises, dont également les PME, dans le labyrinthe des différents programmes financiers disponibles.

Alors que la coopération européenne a été mise à mal pendant la crise du Covid, où certains pays n’ont pas manqué de retrouver des réflexes nationalistes, notamment en fermant les frontières, la coopération transfrontalière existante n’a pas manqué d’aider, assure le ministre. «Le système d’information géographique de la Grande Région (SIG-GR), qui fête par ailleurs cette année ses 10 ans d’existence, a pu produire des chiffres sur le Covid au niveau de la Grande Région», estime-t-il. «C’est un bon exemple d’une coopération de part et d’autre des frontières. Il a certainement contribué à un bon dialogue avec nos partenaires. Le fait de travailler ensemble à différents niveaux, dont au niveau du programme Interreg, facilite ainsi l’échange entre les différents partenaires», assure-t-il.

Une démarche identique a par ailleurs été mise en place par le SIG-GR pendant la crise de la peste porcine, et a ainsi permis de mettre en place plus vite celui sur les chiffres du Covid. «Ce sont tous ces petits projets communs qui permettent de l’innovation, et finalement d’avancer plus vite», assure le ministre. Une politique des petits pas qui permettra peut-être de contribuer aussi à relancer l’enthousiasme pour l’Europe. «L’UE ne doit pas être seulement une machine qui légifère, elle doit aussi faciliter la vie des Européens», prévient ainsi Claude Turmes.