François Biltgen, juge à la Cour depuis 2013, aime endosser le rôle du guide. Il préside la commission de la CJUE chargée de superviser les projets immobiliers de l’institution. (Photo: Matic Zorman)

François Biltgen, juge à la Cour depuis 2013, aime endosser le rôle du guide. Il préside la commission de la CJUE chargée de superviser les projets immobiliers de l’institution. (Photo: Matic Zorman)

Le juge nommé par le Luxembourg à la Cour de justice de l’UE nous a emmenés pour une visite presque privée au cœur de la tour C, symbole de la cinquième extension de la CJUE. Suivez le guide en images et en vidéo.

Inaugurée en présence de S.A.R. le jeudi soir, la cinquième extension de la Cour de justice de l’UE offre à l’institution européenne le privilège de la tour la plus haute du pays. Prolongeant l’élégante robe dorée des tours issues de la quatrième extension, achevée en 2008, elle n’en est pas la copie conforme, scindée en deux fines tours, l’une dorée, l’autre noire. Un édifice remarquable de l’extérieur, mais aussi de l’intérieur.

Le passage des bâtiments existants à l’extension se fait de manière imperceptible. La galerie aménagée pour relier les précédentes extensions a simplement été prolongée et flanquée d’un grand escalier menant au rez-de-chaussée de la tour C, surélevé pour respecter la déclivité du terrain.

«La tour du multilinguisme»

Pour ménager le suspense, notre guide du jour, François Biltgen, nous emmène au sous-sol de la tour C, où les sols et les murs métallisés se répondent, menant au nouveau complexe sportif de la CJUE. «Il est important pour une institution de prendre en charge la santé de son personnel», explique . Terrain multisport et salle de musculation côtoient une salle de ping-pong et un terrain de squash en bas, deux salles de yoga et de cours collectifs se trouvent un étage au-dessus. Les ouvriers s’affairent encore à apporter les dernières finitions.

Direction le 18e étage de la tour C, «la tour du multilinguisme», insiste M. Biltgen. «J’ai ici une vue imprenable», sourit Erik Adam, juriste-linguiste de l’unité de traduction néerlandaise. De sa façade vitrée, il peut en effet embrasser du regard la fosse laissée par la démolition du bâtiment Jean Monnet, les édifices serrés entre l’avenue Kennedy et le boulevard de la Foire internationale.

De l’autre côté de celui-ci, le bâtiment T, en préfabriqué depuis 30 ans, où il a travaillé durant de nombreuses années. «Ici, tout est du dernier cri. La climatisation se fait par refroidissement par le plafond. Les stores dorés sont programmés en fonction de la position du soleil. La lumière diminue lorsqu’aucun mouvement n’est détecté dans le bureau.»

Certains détails pratiques ont aussi leur importance. «Les ascenseurs fonctionnent très bien, l’attente est moins longue.» Il faut dire que les ascenseurs des tours A et B ont dû subir quelques réglages en raison de vibrations persistantes. «Et on peut ouvrir les fenêtres en plus grand, même s’il faut faire attention au vent.» Les couloirs se parent de gris et de blanc, les bureaux de noir, gris clair et blanc, sans oublier les encadrements de fenêtre dorés. Un mariage séduisant et apprécié.

Nous avons essayé de travailler sur la durabilité autant que possible.
François Biltgen

François Biltgenjuge à la CJUE, président de la commission bâtiment

Les bureaux sont relativement spacieux, toujours occupés par un seul juriste. Pas d’open space ici, «chacun a besoin de concentration», dit M. Adam. «C’est un travail de bénédictin», renchérit M. Biltgen, rappelant que les juristes-linguistes doivent traduire toutes les questions préjudicielles des juges nationaux, ainsi que les documents de procédure, conclusions, arrêts, etc. «Le plus important étant de refléter le raisonnement de la Cour», souligne M. Adam. «Et parfois, lors du délibéré, nous discutons jusqu’à la place de la virgule», sourit M. Biltgen. Un juriste linguiste débutant peut traduire environ sept pages par jour, une dizaine s’il est expérimenté.

À chaque étage, deux imprimantes pour 36 traducteurs et des poubelles compartimentées pour le tri des déchets. «Nous avons essayé de travailler sur la durabilité autant que possible», souligne François Biltgen, très impliqué dans la constitution du cahier des charges de la cinquième extension. «En tant qu’institution européenne, nous devons montrer l’exemple.»

Surtout, cette troisième tour permet aux 2.200 collaborateurs de l’institution de partager le même toit. «Nous sentons maintenant que nous faisons partie de la Cour de justice de manière à part entière», confie Koen Wolfs, chef de l’unité de traduction néerlandaise.

Direction le 27e étage. Le visiteur est accueilli – et cueilli – par un vestibule entièrement doré. D’un côté, la salle de convivialité et sa cuisine, qui peut servir 36 couverts ou 200 personnes pour un cocktail.

Et surtout, une vue plongeante sur le sud du pays.

Un panorama qui symbolise pour François Biltgen le chemin parcouru par le Grand-Duché.

Côté tour dorée, une terrasse bordée de fenêtres servant de garde-fous. Et un autre panorama à couper le souffle, donnant à voir les vallées de l’Alzette et de la Moselle, voire l’Oesling.

Au pied de la troisième tour, la fosse béante laissée par l’ancien bâtiment de la Commission et le parking à l’air libre longeant auparavant la cité administrative Pierre Werner. «C’est là que sera aménagé le Jardin du multilinguisme», présente M. Biltgen. Le concours d’architecte n’a pas encore été lancé. Il s’agit aussi pour l’UE d’une réserve foncière s’il fallait encore agrandir la CJUE ou une autre institution. «Je tiens à l’idée d’un parc public parce que la CJUE n’est pas dans une tour d’ivoire.»

Retour sur terre, ou plutôt au sous-sol, dans la galerie faisant la jonction entre les différents bâtiments de la CJUE, du château abritant le Tribunal de l’UE aux trois tours.

M. Biltgen nous laisse avec un rappel: le public est invité à découvrir la cinquième extension par lui-même lors de la journée portes ouvertes de la CJUE qui se tiendra le 19 octobre. L’occasion également de flâner à l’exposition «Esprit des lois, génie des lieux: le temps d’une œuvre. Construire un palais de justice pour l’Union européenne». Elle retrace, de 1950 à aujourd’hui, les processus de création urbains et architecturaux de l’édifice qui a accompagné la construction européenne.