Jean-Charles Mériaux est positif sur le crédit (Photo: DNCA Investments)

Jean-Charles Mériaux est positif sur le crédit (Photo: DNCA Investments)

Selon Jean-Charles Mériaux, chief investment officer chez DNCA Investments, le scénario de 2023 est un scénario de stagflation, dans lequel les obligations retrouvent un intérêt alors que les actions vont rentrer dans le rang.

2023 commence sur une bonne note selon Jean-Charles Mériaux: la probabilité de récession qui était encore élevée il y a quelques mois se réduit très nettement. «Il y aura un ralentissement économique, c’est acquis, mais on devrait échapper à la récession.» À l’exception notable du Royaume-Uni. «Même l’Allemagne qui faisait très peur devrait renouer avec la croissance après un quatrième trimestre 2022 négatif.» Pour autant, la croissance sera durablement ralentie par les banques centrales et la crise de l’énergie, estime-t-il.

Tous les éléments qui devaient conduire à une récession – baisse des marchés financiers, hausse des taux d’intérêt et chute des marchés immobiliers – étaient là. Sauf un: la dégradation du marché de l’emploi. «Cette capacité qu’ont les économies à créer des emplois dans une phase de ralentissement économique permet d’injecter du pouvoir d’achat en masse et ce pouvoir d’achat en masse permet à la consommation de rester sur de bons niveaux».

Mais c’est justement cette bonne tenue de l’emploi qui fait que les banques centrales seront extrêmement prudentes avant de baisser les taux d’intérêt. «Une des erreurs de politique monétaire qui avait été commise dans les années 70 avait été de baisser les taux trop rapidement en période d’inflation pas complètement maîtrisée», rappelle Jean-Charles Mériaux, pour qui on risque d’avoir une période de hausse des taux un petit peu plus longue que ce qu’anticipent les marchés.

Désinflation relative

Pour ce qui est de l’inflation, il estime que la désinflation est bien engagée aux États-Unis. «Si l’inflation américaine est sur une tendance de 6% sur l’année, au dernier trimestre, elle tourne autour de zéro.» En Europe, la tendance lui paraît moins évidente. D’abord parce que «l’abandon progressif des politiques de subventionnement de l’énergie va entraîner une remontée de l’inflation globale.» Et surtout parce que les pressions inflationnistes sous-jacentes «restent fortes». 

Malgré cela, les marchés – ceux-là mêmes qui anticipaient la récession… – anticipent un assouplissement rapide des conditions monétaires. Et ce «malgré les déclarations des banques centrales». «C’est particulièrement frappant aux États-Unis».

«Le meilleur terme pour qualifier la période à venir, c’est vraiment stagflation», résume Jean-Charles Mériaux

Comment vont alors évoluer les classes d’actifs dans cet environnement? «En 2022, c’était très très difficile de protéger un patrimoine puisqu’on a eu ce double phénomène de baisse des marchés actions et de baisse des marchés obligataires.»

On a enfin des conditions qui sont attractives pour reprendre de l’obligataire
Jean-Charles Mériaux

Jean-Charles MériauxChief investment officerDNCA Investments

En 2023, les obligations vont redevenir intéressantes, tant du point de vue du rendement que de celui de la diversification des portefeuilles.

«Cela fait des années qu’on attendait ça et on a enfin des conditions qui sont attractives pour reprendre de l’obligataire à des taux tout à fait satisfaisants. Chez DCNA, on aime bien le crédit et particulièrement le crédit Investment Grade que l’on privilégie par rapport au High Yield. Notre politique de ces derniers mois a été de reconstituer un portefeuille majoritairement Investment Grade par arbitrage des positions High Yield. On est passé de 50% chacun à 55%-45%. On va privilégier l’Investment Grade, mais pour avoir de la rémunération, on va se concentrer sur les catégories 3B. Et par contre, quand on fait du High Yield ce sera dans les meilleures catégories, les 2 B+ et 2 B.»

Jean-Charles Mériaux est par contre dubitatif en ce qui concerne les obligations souveraines. Surtout en Europe où la fin du Quantitative Easing de la BCE va contraindre le marché à absorber 600 milliards d’émissions nettes souveraines, «un chiffre qui n’avait jamais été atteint depuis la création de la zone euro. Il faudra qu’il y ait une assez forte participation des capitaux internationaux au placement de ces emprunts pour avoir une bonne orientation des taux longs».

Les emprunts d’État ont cependant une place dans les portefeuilles DCNA, de plus particulièrement les obligations indexées. On en a 10% en portefeuille, principalement de la dette italienne et espagnole. «Bien sûr, c’est plus risqué que le Bund ou les obligations du trésor américain, mais ces obligations indexées sont dans la période actuelle un très bon moyen de protéger son patrimoine sans avoir à faire un pari sur l’inflation future.»

Les perspectives de résultats pour l’année 2023 sont en train de s’effriter
Jean-Charles Mériaux

Jean-Charles MériauxChief investment officerDNCA Investments

Pour ce qui est des actions, Jean-Charles Mériaux constate une baisse des perspectives bénéficiaires.

Si les résultats boursiers ont été mauvais en 2022, l’année a été très bonne en termes de bénéfice, notamment en Europe. Ce qui s’explique par le fait que les entreprises ont profité des difficultés de l’offre pour récupérer du «pricing power» et de protéger leurs marges dans un contexte de montée de coût des intrants. Ce phénomène arrive à la fin et on entre dans une période de révision à la baisse des résultats. «Les perspectives de résultats pour l’année 2023 sont en train de s’effriter.»

Les marchés actions moins intéressants?

«Je crois qu’il faut bien être conscient qu’on vient de clôturer 40 ans de politique de plus en plus libérale. Et on voit que les rapports entre salaire et capital de force risquent de changer. La valeur ajoutée pourrait s’orienter un peu plus en faveur du travail. On a vu que les marges sont sous pression. Les résultats financiers également. Les sociétés vont rouler leurs dettes et remplacer des emprunts à 0,1% ou 0,22% par de la dette qui va leur coûter 3, 4, ou 5%. Donc les prêteurs vont prendre une plus grosse part du résultat. Enfin, avec l’accord sur la fiscalité internationale, il va y avoir de plus en plus de difficultés à défiscaliser les résultats. Et l’augmentation de l’interventionnisme des États me semble signifier que les taux d’imposition ont certainement atteint un point bas et risquent de remonter.»

«Avec cette dégradation prévisible des bénéfices, nous avons des primes de risque qui aujourd’hui sont en dessous de leur moyenne historique», poursuit-il. Ce qui, pour lui, rend les marchés actions un peu moins intéressants.