La désinflation comme un aimant
Si nous anticipons bien un mouvement de désinflation au cours des deux prochaines années, reconnaissons que pour l’heure il ne s’agit que d’une désinflation temporaire aux États-Unis. Le retour à la normale des chaînes de production ainsi que la chute des prix des matières premières et du fret militent pour un tassement du prix des biens, tandis que la contraction en cours des prix de l’immobilier américain plaide pour un ralentissement des prix des loyers à partir du second semestre.
Pour autant, le marché du travail demeure très tendu et les salaires continuent à croître en tendance à 5%, ce qui est compatible avec une inflation globalement autour de 4%. Or, la désinflation du moment réinjectera du pouvoir d’achat, ce qui ne plaide ni pour une récession significative ni pour un ralentissement marqué des salaires. La désinflation telle que perçue par les marchés ne sera pas nécessairement en ligne droite. C’est pourtant sans aucun doute la tendance de fond qui selon nous donnera une direction aux marchés en 2023.
La question de la récession repoussée à 2023
Si, sous le coup de l’inflation, la croissance a plié en 2022, elle est loin d’avoir rompu. Les profits des entreprises cotées ont ainsi été bien plus solides que prévu et notamment en Europe, ce qui a été remarquable vu le contexte. Nous anticipons une récession légère aux États-Unis et plus significative en Europe avec des marges des entreprises en déclin. Autrement dit, nous anticipons un recul des profits en 2023.
La liquidité, le véritable point noir
La politique de quantitative tightening se poursuit aux États- Unis ainsi que dans d’autres pays et devrait s’enclencher prochainement en Europe. L’impact de ces politiques sur les marchés est complexe et difficile à appréhender. Les phases de rétrécissement de liquidité ont pu historiquement provoquer d’importants trous d’air sur les marchés. On ne peut donc exclure le retour sans prévenir de ce type de phénomènes.
On notera qu’au-delà de la liquidité liée aux banques centrales, il y a aussi la question de la liquidité des marchés. Elle est très faible. Les flux ont donc plus d’impact sur les prix de marchés qu’avant. La dégradation de la liquidité nous invite à rechercher des protections dès que leur coût se réduit et ceci indépendamment du scénario global
Les actions globalement sans pessimisme ni enthousiasme
Quel est l’impact pour les marchés d’actions? D’un côté, la récession redoutée l’an prochain est la crainte la mieux partagée par les investisseurs et ne réservera que peu d’effets de surprise à la différence des précédentes récessions. En ce qui concerne les actions, la désinflation soutiendra les multiples de valorisation au même titre que l’inflation les a pénalisés en 2022. De l’autre, on n’a jamais vu historiquement une récession sans un impact négatif sur les actions.
Il ne faudra pas compter en 2023 sur un soutien des banques centrales pour aller à la rescousse de l’économie ou des marchés financiers, contrairement aux récessions précédentes. Les marchés anticipent que la Fed commencera à baisser ses taux dès le second semestre, ce qui nous semble invraisemblable vu le discours très ferme de la Fed sur la nécessité de maintenir des taux élevés pendant de longs mois et le niveau de l’inflation qui, quoiqu’en ralentissement, restera encore bien trop élevé par rapport aux normes des banques centrales. Or le soutien des banques centrales en récession est très important pour les investisseurs car il les aide à anticiper la sortie de crise.
Dans ce contexte, il est compliqué d’être particulièrement optimiste pour les actions. Il est tout aussi difficile d’être pessimiste. Historiquement, les meilleurs points d’entrée sont au cœur de la récession. Il faudra probablement rester patient avant de remonter les expositions.
Les obligations plutôt que les actions
Nous constatons une défiance élevée des investisseurs vis-à-vis des marchés obligataires, ce qui n’est pas surprenant après l’année écoulée. Cette tendance n’en constitue pas moins une opportunité. Notre confiance dans le mouvement de désinflation conduit à plus de visibilité sur le potentiel du marché obligataire, d’autant plus que les rendements se sont reconstitués. Outre le portage, au plus haut depuis des années, le risque de moins-value en capital semble bien plus limité sur les maturités intermédiaires et plus longues.