Pour Daniele Antonucci (à gauche) et Nicolas Sopel la forte inflation globale, bien que diminuant, restera probablement encore supérieure aux objectifs des banques centrales en 2023 et 2024. (Photo: Quintet Private Bank)

Pour Daniele Antonucci (à gauche) et Nicolas Sopel la forte inflation globale, bien que diminuant, restera probablement encore supérieure aux objectifs des banques centrales en 2023 et 2024. (Photo: Quintet Private Bank)

Daniele Antonucci et Nicolas Sopel prévoient un hiver difficile pour l’économie mondiale, suivi d’une légère réaccélération. Le contexte sera propice aux obligations de haute qualité, aux actions américaines, ainsi qu’aux actions à dividendes élevés et à faible volatilité.

Dans une période de l’année où l’on a tendance à se demander – à espérer – que l’an qui vient soit meilleur que l’an qui s’en va, les économistes de chez Quintet ne jouent pas la carte du réconfort. Pour eux, il y aura peu de raisons de se réjouir le 31 décembre à minuit.

«Dans un contexte de guerre en Ukraine et de pénuries d’énergie, la zone euro et le Royaume-Uni seront en récession au cours d’un hiver froid et sombre. Aux États-Unis, où l’activité des consommateurs et des entreprises est plus forte, la récession menace également, mais elle sera plus légère. Parallèlement, la Chine continuera de rouvrir, lentement mais sûrement, ses portes, ce qui permettra d’éviter une récession à l’échelle mondiale. Mais la forte inflation globale, bien que diminuant, restera probablement encore supérieure aux objectifs des banques centrales en 2023 et 2024.» Une inflation que Daniele Antonucci et Nicolas Sopel, respectivement Chief Economist et Senior Macro Strategist chez Quintet Private Bank, estiment aux alentours de 6,7% contre 9% en 2022.

Voilà pour l’arrière-plan. «Cependant, au fil des saisons, les marchés vont s’ajuster à de nouvelles tendances naissantes. En effet, l’année à venir sera divisée en deux: à partir du printemps, les banques centrales cesseront de relever leurs taux d’intérêt, l’inflation diminuera visiblement et un nouveau cycle de croissance mondiale commencera, grâce notamment à l’accélération de la croissance chinoise. La reprise sera toutefois inégale, l’Europe et le Royaume-Uni étant à la traîne par rapport aux États-Unis, et les marchés développés progressant beaucoup plus lentement que les marchés émergents», pensent les deux économistes.

L’inflation américaine a probablement déjà atteint son pic et les prochaines hausses de taux seront moins importantes que dernièrement.
Daniele Antonucci

Daniele AntonucciChief EconomistQuintet Private Bank

Comment les investisseurs peuvent-ils appréhender ces nouvelles tendances?

D’abord en diversifiant leurs portefeuilles en jouant sur le fait que la phase de corrélation très étroite entre les actions et les obligations de ces dernières années touche à sa fin et que les obligations redeviennent, sous réserve, une classe d’actifs intéressante.

«Les prix des actions et des obligations ont chuté simultanément cette année, créant des défis de diversification importants. Alors que la volatilité pourrait rester élevée en 2023, les marchés obligataires de haute qualité – et en particulier les obligations d’État – devraient à nouveau offrir des avantages défensifs, réduisant le risque du portefeuille», estime Daniele Antonucci. Pour ce dernier les obligations du Trésor américain semblent intéressantes pour l’année prochaine, «car l’inflation américaine a probablement déjà atteint son pic et les prochaines hausses de taux seront moins importantes que dernièrement. Ces hausses de taux devraient même cesser à la fin du premier trimestre ou au début du deuxième trimestre».

«Alors que les perspectives macroéconomiques sont beaucoup moins réjouissantes dans la zone euro et au Royaume-Uni, les spreads des obligations d’État et des obligations investment grade y semblent de plus en plus attrayants à mesure que l’inflation se rapproche de son pic. Les obligations souveraines en devises fortes des marchés émergents ont souffert en 2022, mais les valorisations sont désormais attirantes, notamment par rapport au haut rendement américain», complète-t-il.

Nous restons convaincus que les actions de la zone euro n’ont pas encore pleinement pris en compte la détérioration des conditions économiques.
Nicolas Sopel

Nicolas SopelSenior Macro StrategistQuintet Private Bank

Sur les marchés actions, Nicolas Sopel, conseille la prudence. Pour lui, l’heure ne sera pas pour les investisseurs de «re-risquer» ou de «dé-risquer» leurs portefeuilles. «Plutôt que d’injecter leurs capitaux dans les marchés d’actions ou d’en sortir, les investisseurs prudents à long terme observeront attentivement les catalyseurs tels que les changements dans le conflit en Ukraine, les tendances de l’inflation et la Chine, où la politique du zéro-Covid et les tensions avec Taïwan continuent de figurer en bonne place sur la liste des risques de 2023.»

Vu la conjoncture, il favorise les actions à dividendes élevés et à faible volatilité.

En matière d’allocation géographique, il privilégie les actions américaines aux actions européennes. «Bien que cette année ait été l’une des pires pour les actions américaines depuis le milieu des années 1970, les valorisations restent élevées en termes relatifs. Nous pensons néanmoins que c’est un prix qui vaut la peine d’être payé pour une exposition à ce marché spécifique d’actions d’une telle qualité, en particulier lorsque la pression de la récession augmente. En parallèle, nous restons convaincus que les actions de la zone euro n’ont pas encore pleinement pris en compte la détérioration des conditions économiques. En comparaison, les valorisations des marchés émergents semblent attrayantes. Nous prévoyons que la Chine rouvrira et stimulera son économie en 2023, soutenant ainsi les marchés émergents, qui bénéficieront d’un coup de pouce supplémentaire grâce à un léger affaiblissement du dollar américain.»

Sur le marché des changes, Nicolas Sopel estime que le dollar va s’affaiblir à mesure que les craintes de récession s’apaisent, que la pression inflationniste diminue et que la Réserve fédérale américaine commence à adopter une attitude plus modérée. «Il est toutefois peu probable que des baisses de taux franches soient décidées en 2023. La réduction des bilans devrait cependant se poursuivre.»

«La Banque centrale européenne et la Banque d’Angleterre devraient suivre les traces de la Fed. La reprise de l’euro et de la livre devrait donc être peu significative», poursuit-il.