Pour Nolwenn Le Roux, 2023 pourrait être l’année où les obligations pourraient retrouver le rang qu’elles ont perdu depuis la crise des subprimes. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Pour Nolwenn Le Roux, 2023 pourrait être l’année où les obligations pourraient retrouver le rang qu’elles ont perdu depuis la crise des subprimes. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Malgré un fort décrochage depuis août dernier – près de 16% –, Nolwenn Le Roux entrevoit des points d’entrée sur le marché. Explications.

Les années se suivent et se ressemblent pour le marché obligataire. «Les obligations ne se portent pas bien depuis le début de l’année», avoue la spécialiste crédit de DNCA.

De fait, le marché est fortement impacté par l’évolution à la hausse des taux d’intérêt. «Depuis 2021, le taux allemand est monté de 2,7%. C’est énorme, plus que toutes les remontées qu’on a connues avant. C’est un petit krach obligataire, plus important que celui de 1994. Ce qui est marquant, c’est que cette hausse des taux est un mouvement d’une grande ampleur, d’une grande rapidité et dont on ne voit pas la sortie.»

La première victime de cette hausse des taux, c’est logiquement le marché du crédit.

«Depuis août, le marché de l’«investment grade» – où début 2022 on avait encore un rendement de 0,5% pour une duration de 5,3 – a reculé de 15,8%. Un recul pire que celui expérimenté aux moments de la crise financière chère de 2008 et de la crise des obligations souveraines. Et le marché du «high yield» a enregistré un recul similaire. Quelle que soit la qualité qu’on avait choisie en début d’année, on fait à peu près la même performance.»

Cette absence de dispersion est le signe, pour Nolwenn Le Roux, que la seule force guidant actuellement le marché obligataire est celle de l’évolution des taux d’intérêt. Pour autant, les obligations ont de l’avenir, pense-t-elle.

Un intérêt renouvelé pour le crédit

«Avec un scénario où la croissance dans les années à venir restera basse, le crédit a de nouveau un intérêt parce qu’on a du rendement et plutôt de la qualité au niveau des émetteurs.» À la différence des actions qui ont besoin de perspectives de croissance plus importantes pour bien performer, les obligations peuvent se contenter d’une croissance faible tant que les entreprises sont en mesure de contrôler le risque de défaut.

À la question de savoir à quel moment entrer – ou revenir – sur le marché, Nolwenn Le Roux attend donc la baisse de la volatilité sur les taux, les premiers signes d’inflexion de l’inflation – «en 2023, pas avant» – et une meilleure visibilité sur l’ampleur de la récession annoncée. «À ce moment-là, on commencera à mon avis à avoir des points d’entrée avec des rendements qui seront assez élevés.»

Mais la sélectivité restera de mise. Pour les obligations souveraines, «vu que les montants de dettes des États sont importants et vont continuer de l’être et en plus, la courbe restera assez plate».

Du côté des obligations corporate, «ce qui est assez rassurant, mais il faudra continuer à suivre cela aussi, c’est que les fondamentaux restent solides. Les résultats semestriels sont bons et les entreprises ont réussi à faire passer la hausse des prix dans leurs tarifs, et ce dans la plupart des secteurs. Elles disposent de niveaux records de liquidités et ont des besoins limités en matière de refinancement.»

La conséquence est que le risque de défaut – la principale menace pour les investisseurs – est historiquement bas. «En 2007, on avait des structures d’entreprises qui étaient bien plus compliquées, des niveaux d’endettement plus élevés et une qualité inférieure. Sur le marché du ‘high yield’, 40% des entreprises étaient BB, 50% B et 10% triple C. Aujourd’hui, c’est 70% qui sont BB, et le triple C est quasiment inexistant».

Capacité de rebond

«En 2023, on pourrait avoir un scénario intéressant dans lequel les obligations pourraient retrouver le rang qu’elles ont perdu depuis la crise des souveraines», conclut-elle.

En rajoutant que chaque fois que le marché avait subi une correction de 12% – «et on est à -16% aujourd’hui» –, il avait rebondi l’année suivante. De 12%, après Lehmann, en 2008, de 20% après la crise des subprimes et idem en 2021 post-Covid. «Le marché obligataire est un marché qui a une vraie capacité de rebond.»