Derrière chaque photo, il y a une histoire. Il serait pour moi impossible de les raconter toutes. J’ai donc choisi dix photographies qui m’ont marqué au terme de cette année 2022 et vous livre quelques éléments de l’envers du décor.
François Tesch au naturel
Le magazine de fait sa une avec , président du conseil d’administration du Foyer. Alors que tout un chacun a plutôt l’habitude de voir François Tesch en costume-cravate, me demande si je peux faire une autre photo, plus privée. Impossible, me répond le service Communication de la compagnie d’assurances, tandis que son conseil d’administration s’y oppose. J’argumente en disant que j’ai déjà fait un portrait photo de en bottes en forêt. François Tesch me rappelle alors et me demande s’il peut, lui aussi, porter des bottes et sa veste Barbour sur la photo, car il se sent à l’aise ainsi. Bien que je sentais que l’entreprise n’était pas désireuse de donner cette image de son président, mon rôle n’est pas de faire de photos «corporate». Et sur cette photo, nous voyons un François Tesch tel qu’il est: proche de la nature, souriant, terre à terre, qui parle de ses racines. C’est au final un portrait qui m’a marqué. Pour la petite histoire, Foyer m’a ensuite félicité pour cette initiative, cette photo restera inoubliable.
Une écharpe et beaucoup d’anecdotes
Esch2022 Capitale européenne de la culture: nous l’avons notamment illustrée avec un portfolio des . J’ai toujours adoré lorsqu’un maire, un député ou un échevin enfile la ceinture tricolore. J’ai donc demandé aux bourgmestres des 11 communes de le faire. Ils devaient enlever leur veste et la mettre en dessous. Je captais le moment. Le jour où j’ai portraitisé (CSV), bourgmestre d’Esch-sur-Alzette, il soufflait un vent glacial à Belval. Mais il m’a répondu qu’il ferait tout pour moi. Je lui dois des excuses, car quelques jours après le shooting, Georges Mischo est tombé malade et a été contraint de passer quelques jours en télétravail.
Une ouverture haute en couleur
En tant qu’habitant d’Esch-sur-Alzette, j’étais impatient de voir le décollage de la fusée annoncé dans le cadre du . En tant que photographe, je ne pouvais pas rater ce moment, d’autant qu’en voyant les préparatifs la veille, je m’interrogeais sur le rendu de cette cérémonie d’ouverture. J’avais un peu le sentiment d’avoir devant moi les Jeux olympiques d’Athènes qui ne finiraient pas à temps. Ayant déjà couvert quatre Olympiades et huit Jeux des Petits États d’Europe, je me permets cette comparaison. Et avec Esch 2022, je dois bien admettre que cela a fait pschitt. Mais l’ambiance était là, ce 26 février au soir. J’ai aimé voir Belval aussi beau, rempli de monde, à l’image ce qu’on imaginait à l’époque de la conception de cette ville nouvelle. Mais nous sommes restés sur notre faim pour tout ce qui a suivi. Il reste maintenant à espérer que le «deuxième chapitre» s’écrive avec un contenu durable.
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L’émoi des Ukrainiens du Luxembourg
Je me retiens de publier des photos d’enfants, j’avais d’ailleurs retiré cette photo de mon reportage sur la première grande contre l’opération armée russe. Cette photo n’est pas exceptionnelle mais ce qui m’a marqué des mois plus tard, c’est que l’on a pu se mettre dans la peau de ces manifestants et de cet enfant perché sur les épaules de son père. Peut-être a-t-il perdu sa famille? En tant que photographe, je documente un moment, sans juger. Mais avec le temps, les sentiments restent.
L’image de l’image
Cette photo prise lors du , le 1er mai, reflète beaucoup de choses. Mais, pour moi, c’est le photographe photographié d’un nouveau temps. Celui où les images circulent à l’infini et plus rapidement que dans les médias traditionnels. Je vois un défi pour notre métier: celui de rester authentique et de vérifier les images face à celles de l’intelligence artificielle attendues dans un futur proche.
Confidence sous le papier
Cette question, je n’ai pas encore réussi à la poser à notre Premier ministre (DP). Mais je me demande ce qu’il a pu raconter au vice-Premier ministre (déi Gréng) et qu’il a essayé de cacher des caméras. Car, petit détail, il n’y avait pas de micros de la presse durant à Senningerberg mais seulement les flashes des photographes.
Cloué au lit par le Covid
Alors que les premiers pays déclarent la fin de la pandémie de Covid-19 au début de l’année 2022, je pars au Centre hospitalier du Nord voir . Ma collègue journaliste a pu faire l’interview de ce patient alité qui ne pouvait pas parler, mais seulement bouger la tête pour répondre par oui ou non, ainsi que nous adresser un grand sourire au moment où elle lui a posé la première question. Il était content que l’on s’intéresse à lui et que l’on diffuse le message que le virus était toujours là. J’ai pu cacher mes larmes derrière mon masque. Ce monsieur était encore jeune et il a confié regretter de ne pas s’être fait vacciner, il a failli y rester. Cette photo est aussi un hommage aux médecins et personnel infirmier qui, aujourd’hui, voient enfin un peu la lumière au bout du tunnel après cette pandémie.
Sous la robe, le cow-boy
Dans un portfolio dédié aux paru dans le magazine d’avril, Maître Philippe Penning explique que son métier, il est «tombé dedans quand il était petit». Il se voit comme l’enfant terrible devant les juges: «Ils n’aiment pas mon style, mais c’est bien ainsi», dit-il avant de prendre la position de cow-boy, que je capture avec mon appareil photo. Il rigole lorsque je lui raconte que Maître Gaston Vogel m’a dit ne pas souhaiter participer à ce portfolio, car il ne voulait pas s’exhiber. Je lui ai répondu que je respectais son choix. Mais le lendemain, sa secrétaire m’appelait pour savoir quand aurait lieu le shooting.
Le goût d’ailleurs
Pour ce portfolio dédié au Luxembourg, je m’attendais à des problèmes de langue. Déjà au téléphone, il m’était impossible de faire comprendre à mes interlocuteurs ma démarche journalistique. Je suis donc parti directement dans chaque épicerie avec un exemplaire du magazine Paperjam sous le bras, afin de leur expliquer ce que je voulais faire: un beau portrait et expliquer d’où ils viennent, depuis combien de temps ils sont au Luxembourg et s’ils ont un plat préféré au Grand-Duché. En rentrant dans l’Asia Market rue du Fort Élisabeth, j’ai rencontré Be Ling Chang (en photo). Il m’a tout de suite accueilli avec un accent sino-luxembourgeois que je n’oublierai pas: «Ah Moien, jo, Judd mat Gaardeboune!» Il a pris la pose en levant son wok. À première vue, cela peut paraître dangereux, mais c’était en fait très pacifique. Ce portfolio a été pour moi l’occasion de faire de belles rencontres et d’entendre de belles histoires d’intégration qui donnent cette couleur et cette identité si particulière à notre pays.
Un tram d’avance pour Julie Becker
Pour le , ma mission était de prendre en photo les dix premiers du classement tout en sachant que celui ou celle qui était premier figurerait . Mais tout cela devait rester secret jusqu’à la soirée du 13 décembre. Je devais donc tourner autour du pot pour expliquer aux candidats que j’avais besoin d’une bonne photo, et donc de temps, sans leur révéler à quelle place du classement ils figureraient, bien que certains m’aient posé la question. La lauréate, , est CEO de la Bourse de Luxembourg et son agenda est très chargé. Elle a fait preuve d’une grande patience, car je devais attendre que le tram passe pour qu’il apparaisse, lui aussi, sur la photo. La séance s’est terminée avec de grands sourires, qui reflétaient bien sa personnalité chaleureuse.