Les 60 fonds d’investissement américains les plus importants ont dépensé près de 136 milliards de dollars cette année.  (Photo: Shutterstock)

Les 60 fonds d’investissement américains les plus importants ont dépensé près de 136 milliards de dollars cette année.  (Photo: Shutterstock)

La crise sanitaire a dynamisé le marché, déjà porteur, des biotech. Les indices atteignent des sommets, et les sommes investies se comptent en milliards. Passage en revue des tendances avec Sacha Pouget, directeur associé de Kalliste Biotech Advisors et fondateur de biotechbourse.fr.

La pandémie de Covid-19 a poussé de nombreux investisseurs à se tourner vers le marché des biotech. Les chiffres parlent d’ailleurs d’eux-mêmes, en témoignent les deux principaux indices américains spécialisés, le Nasdaq Biotechnology et le S&P Biotechnology, respectivement sur une hausse annuelle de 20,3% et 39,2%. Cette tendance haussière va-t-elle s’inscrire dans la durée ou n’est-elle que le reflet d’un feu de paille qui s’éteindra une fois la crise sanitaire passée? À quoi faut-il s’attendre pour la suite? Sacha Pouget nous livre son analyse en tant qu’expert du secteur.

Quelles sont les grandes tendances du marché des biotech cette année? 

Sacha Pouget. – «2020 a été une année réellement exceptionnelle pour les biotech. En termes de performances, aux USA ou en Europe, on voit des sociétés qui ont fortement progressé. Quatre marchés – la France, le Royaume-Uni, la Norvège et les Pays-Bas – ont grimpé de plus de 50% en Europe. L’autre tendance, c’est le nombre important de refinancements sur la partie société. À titre d’exemple, en France, on dépasse le milliard d’euros levé par les biotech françaises. C’est un plus haut historique. Le Benelux n’y échappe pas. Le Luxembourg s’en est bien sorti, même si c’est plutôt du côté des fonds d’investissement que l’on voit du mouvement, il y a une culture du risque. Un certain nombre de fonds investissent dans les biotech, mais l’environnement en matière d’acteurs du secteur n’est pas très dense. Enfin, cette évolution globale est aussi due au soutien des États et aux subventions publiques. 

À quoi peut-on s’attendre pour la suite?

«Il y a déjà un point positif, avec les sociétés qui ont avancé sur le vaccin, on est enfin en train de reconnaître que la santé est un investissement et non un coût. Ça change la donne sur la perception. Avec le niveau auquel se sont financées les biotech, les acteurs du secteur ont de quoi sécuriser leurs prochains investissements au-delà de la crise et pourront confirmer leur développement, ce qui amène de la visibilité pour la suite. Les biotech américaines ont, par exemple, en moyenne, 8,4 trimestres d’autonomie financière. Donc, pendant deux ans, elles pourront financer des projets sans se poser de questions. C’est du jamais vu. Aux États-Unis toujours, les 60 fonds les plus importants ont investi 136 milliards de dollars cette année.

Par ailleurs, avec la crise sanitaire, nous avons pris six mois de retard sur le ‘newsflow’, les essais cliniques tournaient au ralenti, il y avait peu de places dans les hôpitaux, c’était difficile de recruter. Il faut donc également s’attendre à une salve de données et de résultats qui seront publiés au premier semestre et qui donneront le la pour l’année 2021.

Quelque 140 biotech américaines dépassent le milliard de dollars. Est-ce soutenable? En réalité, tant qu’il y a de l’appétit et des succès cliniques, pourquoi pas.

Sacha Pougetdirecteur associéKalliste Biotech Advisors

Avec l’arrivée d’un vaccin contre le Covid-19, peut-on imaginer que les investisseurs finissent par se détourner du marché des biotech?  

«Il pourrait tout à fait y avoir un retour de bâton à très court terme. Quelque 140 biotech américaines dépassent le milliard de dollars. Est-ce soutenable? En réalité, tant qu’il y a de l’appétit et des succès cliniques, pourquoi pas. Tout n’est pas lié à la pandémie. Lorsque l’on regarde les plus grosses performances, certaines entreprises ont travaillé sur la lutte contre le Covid. Mais pas toutes. En réalité, ce qui ‘drive’ le marché, ce sont les vagues d’innovation. On l’a vu avec l’hépatite C ou, plus récemment, les anticorps multispécifiques, la médecine de précision, les maladies rares, la thérapie génique. Comme dans le secteur de la tech, il y a beaucoup de promesses.

Alors que la fin de l’année arrive, y a-t-il eu, au milieu de cette évolution globale du marché, de grosses déceptions en 2020?

«Plusieurs sociétés ont en effet bien performé. A contrario, il y a effectivement eu des déceptions. La française DBV, qui souhaitait mettre sur le marché son patch permettant de traiter les enfants allergiques à l’arachide, a été recalée par la Food and Drug Administration (FDA) américaine. Même chose pour la société belge Galapagos, qui a vu la commercialisation de son traitement contre les rhumatismes être interdite par la FDA (l’Europe et le Japon ont, pour leur part, donné leur accord en novembre dernier, ndlr). Bien que ‘rares’, ce ne sont pas les seules déceptions, plusieurs entreprises ont perdu entre 30% et 40% cette année.»