La présidente de l’OGBL, Nora Back, est la seule des principaux dirigeants syndicaux à avoir souhaité une réduction du temps de travail. À salaire égal. (Photo: compte Twitter de l’OGBL)

La présidente de l’OGBL, Nora Back, est la seule des principaux dirigeants syndicaux à avoir souhaité une réduction du temps de travail. À salaire égal. (Photo: compte Twitter de l’OGBL)

Si l’OGBL et le LCGB, les deux plus grands syndicats du pays, s’accordent globalement sur le maintien de l’index, sur l’urgence face à la crise du logement ou sur la santé, les discours que leurs leaders ont prononcés le 1er mai s’écartent sur de nombreux points. Synthèse point par point.

Comme pour couper le brin de muguet sous le pied des syndicats, le ministre de l’Économie, (LSAP), s’était «approprié» le 1er mai dès 8 heures du matin avec un message – court par rapport aux tribunes des deux principaux syndicats – pour souligner que le gouvernement est venu en aide aux entreprises et aux salariés avec les mesures tripartites «sans manipuler l’index, ni même remettre en question, de quelque manière que ce soit, le système d’indexation. Nos mesures ont été décidées en étroite concertation et dans le dialogue avec les partenaires sociaux. Et en tant que ministre de l’Économie, je suis particulièrement fier de cette solidarité.»

Nous avons besoin de l’augmentation de 10% du salaire minimum réclamée par l’OGBL depuis 2015. C’est nécessaire, c’est juste, c’est attendu depuis longtemps.
Nora Back

Nora Backprésidente de l’OGBL

Leurs axes communs

INDEXATION. «Si on parle de salaires, que serait un discours du 1er mai sans index? Ici, cependant, nous n'avons besoin que d'une seule phrase: il ne peut pas être manipulé, ni déplacé, ni modifié, ni couvert. Alors, les doigts éloignés de l'index! Il n'y a rien de plus à dire à ce sujet», a relevé la présidente de l’OGBL, . «Cela fait environ un an que l’employeur a lancé une attaque à grande échelle contre le système d’indexation. Avec le gouvernement et deux syndicats, ils ont décidé en mars 2022 de suspendre l’indexation de nos salaires. Nous n’avons pas oublié que nous étions les seuls à nous y opposer. Nous n’avons pas signé et nous sommes restés fidèles à notre ligne rouge. Et avec succès!», a-t-elle rappelé à l’abbaye de Neumunster où étaient réunies ses troupes.

«Nous avons aussi enfin besoin de l’augmentation de 10% du salaire minimum réclamée par l’OGBL depuis 2015. C’est nécessaire, c’est juste, c’est attendu depuis longtemps», a-t-elle dit plus loin.


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LOGEMENT. Si Mme Back a indiqué que la crise du logement «nécessite de toute urgence une gestion budgétaire, qui brise de manière décisive la spéculation dans le secteur immobilier», le président du LCGB, est allé un cran plus loin dans le détail. 

«Il faut augmenter massivement l’offre pour répondre à la demande et ne pas faire déraper complètement les prix et les loyers. Cela implique également l’incitation d’investissements pour la construction de logements. Et l’État doit notamment accompagner cette politique avec des structures comme le Fonds de Logement. Cependant, le ministre responsable doit comprendre que les accents qui figurent dans les plus récents projets de loi ne vont pas dans ce sens. La politique des taux d’intérêt de la Banque centrale européenne aggrave cette situation, car le crédit immobilier devient de plus en plus cher», a déclaré M. Dury, qui a aussi pointé les risques pour le secteur de la construction. «L’emploi dans le secteur de la construction et de l’artisanat peut également connaître de gros problèmes. La politique n’a pas seulement raté le train ces dernières années, elle a carrément pris les mauvaises décisions.»

«Depuis des mois, le patronat tente de prolonger les négociations avec son catastrophisme et sabote ainsi les discussions sérieuses», a alerté Mme Back. «La semaine dernière, nous avons donné un ultimatum aux employeurs: s’ils ne mettent pas sur la table des propositions très concrètes et sérieuses, notre syndicat de la construction a décidé de mener toutes les actions syndicales nécessaires afin d’améliorer les salaires et les conditions de travail des 20.000 personnes.»

SANTÉ. Le secteur de la santé est le sujet-phare du discours du leader du LCGB, qui a fustigé les problèmes dans l’approvisionnement en médicaments ou les temps d’attente pour une IRM ou aux urgences. «Notre Caisse nationale de santé s’est, entre-temps, transformée en un État dans l’État», analyse-t-il. «Auto-indulgente et préoccupée par elle-même. Incapable d’aborder la digitalisation. Il faut notamment la détermination du ministre pour que cette structure se conforme aux arrêts des plus hautes juridictions de ce pays».

Notre Caisse nationale de santé s’est transformée en un État dans l’État.
Patrick Dury

Patrick Duryprésident du LCGB

 «Le fait que les assurés deviennent le jouet des avis médicaux contradictoires du contrôle médical et de la médecine du travail, que l’existence de personnes soit ainsi mise en jeu et que des personnes gravement malades se voient confrontées à des problèmes existentiels après 78 semaines, n’est dû qu’à un système pervers et complètement cassé», a souligné M. Dury, qui a appelé à une restructuration de la CNS «avec moins de postes de direction et plus de garanties de pour les assurés.»

«Le LCGB demande que l’on fasse enfin le ménage dans notre sécurité sociale. Le LCGB revendique des possibilités de traitement toujours plus nombreuses et plus rapides pour les assurés, en créant des structures efficaces et décentralisées qui déchargent les hôpitaux et le personnel et qui permettent des traitements, des diagnostics et des analyses ambulatoires dans tout le pays.»

«Notre système de santé publique financé conjointement doit être renforcé et encore élargi et non réduit», a souligné la présidente de l’OGBL. «Il n’est pas possible que les performances se dégradent ou qu’une médecine à deux classes soit introduite pour faire des économies. Pour que cela soit garanti, le secteur de la santé, des soins et du social doit toujours être aux mains du public et ne doit pas être sous-traité à des entreprises privées.»

Deux ans après que tout le monde se soit félicité de l’engagement sans faille des personnels de santé, l’OGBL remarque que rien n’a été fait pour que les structures soient mieux dotées en personnel qualifié.

Une interprétation perverse du droit européen de la concurrence a livré des centaines d’emplois chez Liberty Steel à un bandit et à ses manigances.
Patrick Dury

Patrick Duryprésident du LCGB

INDUSTRIE. Des deux côtés, on s’alarme des menaces sur l’emploi sur certains sites industriels. «Après l’annonce désastreuse des actionnaires en quête de maximisation des profits chez Dupont DTF et Husky qu’ils veulent licencier massivement, l’OGBL a agi rapidement. Et c’est grâce au recours aux salariés et à la grande solidarité que la voie du «maintien dans l’emploi» est désormais choisie», a dit Mme Back. «Et nous n’oublions pas les presque 170 employés de Liberty Steel. Pris au piège par un employeur dont nous ne voulions pas et qui conduit une bonne entreprise à la ruine, uniquement parce que lui-même a changé. Les gens veulent travailler. Ils veulent un avenir. Le seul problème est l’employeur, qui refuse de vendre le travail et de lui permettre un tel avenir. La situation de Liberty résume très bien tous les échecs de la politique industrielle européenne.»

M. Dury partage cette analyse. «Une interprétation perverse du droit européen de la concurrence a livré des centaines d’emplois chez Liberty Steel à un bandit et à ses manigances», a souligné le leader du LCGB. «La Commission Von der Leyen, c’est la faillite de l’avenir de notre Europe. Il est inacceptable de mener une politique qui ruine les emplois européens, qui remet en cause les existences des salariés, qui confond un plan d’investissement pour l’avenir avec des platitudes et qui remplace le volet social, l’extension du socle des droits sociaux fondamentaux, par un spectacle de remue-ménage de la part de la Commission.»

Il a aussi souhaité «étendre au secteur industriel le modèle que nous avons développé dans la sidérurgie et adapté chez Luxair. Je suis très content de voir que le ministère du Travail, le ministère de l’Économie et la Fedil veulent s’engager sur cette voie et que nous avançons bien dans les négociations au sein des différentes entreprises. L’objectif du LCGB est de négocier un accord sectoriel pour l’industrie, un cadre dans lequel les différentes entreprises concernées pourront s’impliquer. Le LCGB n’oublie pas non plus les 170 collègues de Liberty Steel à Dudelange. Eux aussi devront profiter du modèle en cas de coup dur.»

Les petites piques

LCGB et OGBL n’ont pas le même style. Leurs dirigeants non plus. À qui ont-ils adressé quelques petites piques plus précisément? Synthèse.

DANS LE VISEUR DE PATRICK DURY. Outre la CNS (voir plus haut), il y a la direction de Cargolux. «Le LCGB revendique des solutions dans l’esprit des personnes qui travaillent dans les entreprises. L’industrie l’a compris. J’espère que Cargolux le comprendra aussi bientôt. Sinon, il n’y aura pas de paix sociale. Le conflit social sera alors inévitable, avec toutes ses conséquences.»


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Puis la Commission européenne, «néolibérale et bornée». «La Commission Von der Leyen, c’est la faillite de l’avenir de notre Europe. Il est inacceptable de mener une politique qui ruine les emplois européens, qui remet en cause les existences des salariés, qui confond un plan d’investissement pour l’avenir avec des platitudes et qui remplace le volet social, l’extension du socle.»

Le ministre de l’Économie (ni désigné par sa fonction ni par son nom). «Nous avons besoin d’une discussion urgente sur notre modèle économique. Il ne suffit pas de gérer la crise ou de présenter en PowerPoint ce à quoi notre économie pourrait ressembler dans 30 ans», en référence à la Luxembourg Stratégie.

DANS LE VISEUR DE NORA BACK. Le président de l’UEL, , accusé de considérer que «l’OGBL était l’antichambre du ministère du Travail. Si M. Reckinger avait raison avec sa déclaration selon laquelle le ministère du Travail danserait au rythme de l’OGBL, alors les choses se seraient passées différemment. Les réformes promises sur la loi sur les conventions collectives, sur le Plan de Maintien dans l’Emploi, sur les plans sociaux, sur les faillis et sur un droit à la formation professionnelle continue auraient été mises en route depuis longtemps!»

L’ALEBA, «un petit syndicat corporatiste du secteur financier qui veut convaincre les gens qu’ils recherchent maintenant des délégués dits «neutres» dans tous les secteurs, car ils se vendent comme des soi-disant «neutres», donc ils montrent clairement que, qu’ils ne comprenaient pas ce que signifie être un syndicat. Cela va encore plus loin, ils (Aleba) ne font rien d’autre que diviser les gens.»

Le ministre de l’Éducation (pas nommément désigné, ), «exacerbe les inégalités par une plus grande concurrence entre écoles. Le métier d’enseignant doit être rendu plus attractif au lieu d’être de plus en plus stigmatisé, comme c’est désormais le cas du fait de la nouvelle formation du nouvel entrant. Il en va de même pour le personnel socio-éducatif dans le domaine de la petite enfance: tricher sur les diplômes pour maintenir les salaires les plus bas possibles, au détriment de la qualité et de la garde des enfants. L’OGBL est également contre une prolongation de l’obligation scolaire, qui consiste uniquement à maintenir les jeunes à partir de 16 ans, qui en fait ne veulent plus aller à l’école, pendant encore deux ans dans une sorte de crèche privée pour jeunes personnes. Les jeunes doivent garder le choix de choisir leur propre voie.»

Et les sujets seulement abordés par un des deux

DROIT À LA DÉCONNEXION. Pour Patrick Dury, qui a finalement présenté la nouvelle application du LCGB «TonLCGB», «il est impératif de réglementer le travail par l’intermédiaire des plateformes digitales dans l’intérêt des salariés concernés, même s’il reste à craindre que la Commission Von der Leyen ne fasse capoter le prochain dossier.»

Nous avons besoin d’une réduction générale des heures de travail.
Nora Back

Nora Backprésidente de l’OGBL

RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL. Pour que moins de gens souffrent de leur rythme de travail, selon Nora Back, il faut «raccourcir le temps de travail et moderniser le droit du travail et l’adapter à l’évolution du monde des affaires. Le risque d’épuisement professionnel augmente, les difficultés des personnes à concilier vie professionnelle et vie privée sont de plus en plus importantes, l’intensité de travail ne cesse d’augmenter… Si on veut améliorer la situation des salariés, si on veut redevenir attractifs pour attirer plus de gens, également de la grande région, alors il faut faire quelque chose.

Mais chers collègues, nous avons besoin d’une réduction générale des heures de travail. Ce qui ne veut pas dire que nous devons étudier ce que font les autres pays. Nous devons prendre un exemple d’eux et simplement le mettre en pratique. Ce qui, cependant, ne signifie pas que vous devez répartir de nombreuses heures différemment ou travailler davantage à domicile. Mais cela signifie simplement travailler moins d’heures.» Une réduction du temps de travail qu’elle a souhaité sans perte de salaire pour les employés.


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RÉFORME DE LA FISCALITÉ. Nora Back a développé cinq points. «D’abord une fiscalité des personnes physiques avec une progression fiscale qui soulage les bas revenus, aplatit la bosse de la classe moyenne et taxe plus fortement les hauts et surtout les très hauts revenus, jusqu’à un taux d’imposition maximum de 50%. Deuxièmement, l’écart entre la taxation des salaires et celle du capital doit se réduire. Un nouvel équilibre doit être créé. Troisièmement, une nouvelle baisse de l’impôt sur les sociétés ne doit pas se produire! Au contraire. Ce ne doit plus être une option sociétale que les milliards de bénéfices des grandes entreprises et des multinationales échappent à l’impôt.

Quatrièmement, la crise du logement, du logement, nécessite de toute urgence une gestion budgétaire, qui brise de manière décisive la spéculation dans le secteur immobilier! Et enfin, cinquièmement, une réforme fiscale doit faire ce que la réforme fiscale de 2017 n’a pas fait. À savoir, l’introduction d’un mécanisme d’ajustement automatique du barème fiscal à l’évolution de l’inflation.»

FRONTALIERS. Pour Nora Back, «le 1er mai est une journée internationale qui ne connaît pas de frontières nationales. Et c’est précisément ce qu’il nous importe tant d’exprimer, là où nous sommes dans un pays où près de la moitié des travailleurs sont des frontaliers. (…) Nous avons été confrontés à plusieurs reprises à des décisions politiques, par lesquelles plus de 200.000 salariés, qui contribuent à créer notre richesse ici, sont tout simplement exclus. Bourses d’études, maisons relais gratuites, manuels scolaires gratuits, cantines gratuites, différences de sécurité sociale, de fiscalité: autant d’exemples des discriminations auxquelles sont encore exposés les frontaliers.»