En matière de transposition des directives, la Chambre des députés joue à fond la carte de la proactivité. (Photo: Maison Moderne/Archives)

En matière de transposition des directives, la Chambre des députés joue à fond la carte de la proactivité. (Photo: Maison Moderne/Archives)

Cet été, Paperjam remonte le temps et passe en revue 10 des grandes dates clés de la place financière. Cette semaine 1988, date de la transposition en droit national de la directive Ucits, pierre angulaire du succès du Luxembourg dans le secteur des fonds d’investissement.

Replaçons-nous dans le contexte de l’époque.

Au début des années 80, la Place fait face à des vents contraires sur ses principaux piliers, les marchés des pétrodollars et des eurocrédits. L’heure est à la diversification des activités. Deux voies seront choisies: la banque privée et l’industrie des fonds d’investissement.

Deux voies qui vont bénéficier d’un coup de pouce du législateur pour proposer un cadre attractif. Mais si l’essor de la banque privée est lié à l’adoption du secret bancaire et à la non-imposition de l’épargne des non-résidents – deux réglementations jouant sur l’offshoring, principe qui depuis 1929 a guidé la législation financière luxembourgeoise –, l’essor du secteur des fonds d’investissement ne va pas utiliser des niches de souveraineté, mais tirer pleinement parti des avantages de la construction européenne.

Et les autorités luxembourgeoises feront oublier la douloureuse affaire , préambule «honteux» au glorieux démarrage de l’industrie des fonds.


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Au contraire de l’industrie de la banque privée qui ne partait pas de rien, l’industrie des fonds luxembourgeois apparaissait comme marginale sur la Place en termes de volume. En 1983, les actifs nets gérés par les OPC au Luxembourg s’élevaient à 300 milliards de francs luxembourgeois. Pour mémoire, un euro valait 40,3399 francs luxembourgeois. Soit 7,43 milliards d’euros. Un chiffre, à titre indicatif, ne tenant pas compte de l’inflation. Aujourd’hui – selon les derniers chiffres de la CSSF arrêtés le 31 mai 2022, l’industrie des fonds pèse 5.367,849 milliards d’euros et est le deuxième centre mondial pour les fonds d’investissement, derrière les États-Unis. Et même le numéro 1 si on considère qu’aux États-Unis, il y a plusieurs places active dans les fonds, la principale étant Boston.

Comment en est-on arrivé là?

Le 20 décembre 1985 est adoptée la directive Ucits. Ucits signifie Undertakings for Collective Investments in Transferable Securities. Ce qui se traduit en français par Organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM). Pour la Commission, dans le cadre d’une stratégie de marché unique financier, l’objectif était de créer un «passeport européen» pour les fonds d’investissement afin de faciliter une offre transfrontalière. Un fonds obtenant les agréments du pays d’origine par rapport aux normes Ucits pouvait être commercialisé dans tous les pays de l’Union européenne. Et pour favoriser l’essor de ce produit financier, la directive Ucits fixait des règles strictes pour protéger les investisseurs particuliers, cible naturelle de ce véhicule d’investissement. La diversification des actifs pour limiter les risques, les mesures de surveillance, les règles de valorisation et la liquidité des fonds trouvent leur origine ou leur consécration dans la directive Ucits.

La stratégie du premier entrant

Le Luxembourg sera le premier pays de l’UE à transposer cette directive le 30 mars 1988. Une date capitale dans le développement de la place financière luxembourgeoise. Le triomphe de la stratégie de transposition rapide des directives européennes afin d’acquérir un avantage compétitif de «premier entrant». Une stratégie qui sera maintes fois dupliquée. «En étant le premier pays à transposer dans son droit la directive Ucits I, le Luxembourg est le seul pays à l’époque à offrir le ‘passeport européen’. De nombreux promoteurs de fonds d’investissement viennent domicilier leurs fonds à Luxembourg et utilisent le pays comme plate-forme de distribution», note la CSSF dans la section consacrée à l’histoire de la Place sur .

En décembre 2010, Lucien Thiel – président de l’ABBL et alors député CSV rapporteur du projet de loi de transposition d’Ucits IV- rappelait combien le fait d’être le premier à avoir transposé la directive Ucits I avait permis au Luxembourg de jeter les fondements pour la position prééminente qu’il occupe aujourd’hui dans l’industrie des fonds sur le plan européen. Le Luxembourg sera d’ailleurs le premier pays à transposer Ucits IV. «Le fait d’être en mesure d’offrir l’accès au marché européen aux opérateurs avant tous les autres avait déclenché à l’époque l’essor fulgurant de Luxembourg comme centre d’administration, de distribution et de gestion de fonds», expliquait-il dans les colonnes du Wort.

En attendant Ucits VI

La directive sera modifiée trois fois. En 2002 sont adoptées les directives 2001/107/CE et 2001/108/CE connues sous le nom d’Ucits III. III et non pas II. Les diverses propositions de modifications émises au début des années 90 ne seront jamais adoptées. Ucits III a élargi le spectre d’investissements et assoupli certaines restrictions pour les fonds indiciels. La directive 2009/65/CE – Ucits IV – a été transposée en décembre 2010 et se concentre sur la protection des investisseurs et sur l’adéquation entre compétitivités et maitrise des coûts réglementaires. Enfin, directive 2014/91/UE – Ucits V – qui est entrée en vigueur en mars 2016, aligne les obligations et les responsabilités des dépositaires de fonds et les exigences de rémunération des gestionnaires de fonds sur celles de la directive sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs (AIFMD).

Une directive Ucits VI est en cours d’élaboration. Ce projet se concentre sur les questions de la délégation, de la gestion du risque de liquidité, du reporting réglementaire et des dépositaires. L’objectif est d’aligner plus étroitement l’actuel régime avec celui de l’AIFMD.

Parions que le Luxembourg la transposera rapidement.

Rendez-vous semaine prochaine en 1999 et la naissance de l’euro.