Replaçons-nous dans le contexte de l’époque.
Si le droit de battre monnaie constitue une prérogative régalienne par excellence, le rapport du Luxembourg avec sa monnaie a longtemps été tourmenté. Jusqu’au début du 21e siècle, plusieurs monnaies circulent au Grand-Duché. Des monnaies étrangères, prussiennes, françaises, belges… Si au milieu du 19e siècle, le thaler prussien est la principale monnaie de paiement, l’unité de compte utilisée au Luxembourg est le franc belge. À cette époque, la Banque internationale à Luxembourg (BIL), créée en 1856, obtient le privilège d’émettre des billets de banque luxembourgeois. En 1873, la Banque nationale du Grand-Duché de Luxembourg obtient le même droit. démontrera les difficultés pour un petit pays à gérer sa propre monnaie.
Il faudra attendre la Première Guerre mondiale pour que le gouvernement commence à émettre provisoirement du papier-monnaie de création luxembourgeoise. Ce n’est qu’en 1918 qu’un arrêté grand-ducal emploie pour la première fois le terme de «franc luxembourgeois».
Le coup de force belge
En 1922 entre en vigueur la Convention d’Union économique avec la Belgique, qui confie à cette dernière la gestion du franc luxembourgeois sur la base de la parité, 1 franc belge équivalant à 1 franc luxembourgeois. Parité qui sera respectée jusqu’à l’arrivée de l’euro, à l’exception d’une parenthèse entre 1935 et 1944 où le franc luxembourgeois vaudra 1,5 franc belge. En 1935, une convention monétaire entre la Belgique et le Luxembourg prévoit que la Banque nationale de Belgique (BNB) établira une succursale à Luxembourg, et confère cours légal aux billets de la BNB sur le territoire du Grand-Duché.
Cette «cogestion» de la monnaie luxembourgeoise se fera sans accroc jusqu’au 22 février 1982. Dans la nuit du 21 au 22, les ministres des Finances des Dix réunis à Bruxelles procèdent à un réajustement au sein du système monétaire européen (SME) durant lequel le franc belge est dévalué de 8,5%. Entraînant de facto la dévaluation du franc luxembourgeois. Les Luxembourgeois protestent contre la décision unilatérale du gouvernement belge et demandent un réaménagement de l’Union économique belgo-luxembourgeoise (UEBL).
S’exprimant le 9 mars devant la Chambre des députés, Pierre Werner, ministre d’État et président du gouvernement, évoque «une dévaluation monétaire qui laisse auprès des Luxembourgeois un goût amer, voire un traumatisme, aussi bien pour des raisons de fond que pour des raisons de procédure». Il rappelle que l’économie et le budget du Luxembourg étaient en bien meilleure santé que l’économie belge et, surtout, que l’économie luxembourgeoise était bien plus ouverte à l’international. Il dénonce également une violation du traité Benelux par Bruxelles: le Luxembourg a été mis devant «le fait accompli». Et il évoque comme solution pour l’avenir une meilleure intégration monétaire européenne. «Une monnaie fondée sur l’écu n’est pas pour me déplaire», lance-t-il aux députés, tout en admettant qu’un tel chemin sera long.
La naissance de la BCL
Un nouveau régime d’association monétaire sera négocié. Les deux États seront traités sur un pied d’égalité et, surtout, les réserves de change et d’or détenues par la Banque nationale de Belgique seront précisément délimitées et séparées. Ce régime ouvre également la possibilité, pour le Luxembourg, d’émettre des billets ou monnaies ou de confier cette mission, totalement ou partiellement, à une institution existante ou à créer.
Ce qui sera fait en 1983 avec la création, par le législateur luxembourgeois, de l’Institut monétaire luxembourgeois (IML). Cette autorité aura pour mission d’émettre de la monnaie et de surveiller le secteur financier. Elle ne deviendra une banque centrale de plein exercice – la Banque centrale du Luxembourg – que le 1er juin 1998 avec la mise en place du Système européen de banques centrales (SEBC), organe rassemblant les banques centrales nationales de l’Union européenne et la Banque centrale européenne (BCE), conformément au traité de Maastricht signé en 1992.
Mercredi prochain, rendez-vous en 1988 pour évoquer la naissance des fonds Ucits.