Remettons-nous dans le contexte de l’époque.
Au début des années 1980, la Place a atteint une certaine maturité lorsqu’apparaissent les premières difficultés. La croissance mondiale ralentit en raison de l’inflation et en particulier d’une nouvelle hausse des prix du pétrole, due à la guerre entre l’Irak et l’Iran. Mais la situation ne dérape véritablement qu’en 1982, lorsque le Mexique décide unilatéralement de geler le paiement de sa dette. La situation d’insolvabilité des pays d’Amérique latine, principaux clients du Luxembourg sur le marché des eurocrédits, frappe durement la Place.
Face à ces difficultés, la Place cherche à diversifier ses activités, notamment en direction du private banking et des fonds d’investissement. Des choix qui vont s’avérer pertinents dans un contexte de libéralisation progressive des capitaux.
En matière de banque privée, la Place ne part pas de zéro. Sa participation aux euromarchés l’a, dès les années 60, familiarisée à une clientèle internationale, à des produits d’investissement en différentes devises ainsi qu’à l’élaboration de montages complexes. L’évolution du cadre réglementaire fera pencher la balance.
Une Sainte Trinité réglementaire au service de la confidentialité
Le secret bancaire luxembourgeois doit son origine à . Article qui impose le secret à certaines professions dépositaires de secrets qu’on leur confie dans le cadre de l’exercice de leur métier. Les médecins, les pharmaciens ou encore les sages-femmes. Son extension au monde bancaire reposait sur une interprétation jurisprudentielle, sans que l’on sût vraiment si sa portée était spécifique ou générale. consacre son extension formelle aux métiers de la banque.
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Le secret bancaire n’explique pas à lui seul le succès de la banque privée. Il était épaulé de deux auxiliaires précieux: le principe de la non-imposition de l’épargne des non-résidents et le principe de la double incrimination en matière de délit fiscal. Concrètement, si l’échange d’informations avec des administrations fiscales étrangères était possible dans le cas d’une procédure pénale, il fallait que la définition de l’infraction suspectée soit similaire à celle existante dans le droit grand-ducal. Qui avait une conception limitée du délit de fraude fiscale.
Le secret bancaire va assurer l’essor de l’industrie de la banque privée. Ce qui n’ira pas sans quelques grincements de dents de la part des États voisins, dont les ressortissants étaient les principaux clients de la Place. C’était l’époque du «dentiste belge». L’image de la Place va se dégrader. Au grand dam des professionnels de l’assurance et des fonds d’investissement qui n’avaient que faire du secret bancaire.
L’accord de Feira
On peut attribuer la fin du secret bancaire à Oussama Ben Laden. L’attentat du 11 septembre va mettre la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme en bonne place dans l’agenda des autorités américaines. Le secret bancaire n’était plus tolérable. De concession en concession, il va disparaître.
Une disparition très progressive qui sera actée le 5 novembre 2014 par le vote, à la Chambre des députés, de son abolition et de l’introduction de l’échange automatique d’informations bancaires.
14 années que les professionnels du secteur vont mettre à profit pour repenser leur modèle. Avec succès.
Mercredi prochain, rendez-vous en 1982 pour évoquer la dévaluation subie du franc luxembourgeois et ses conséquences.