La société Autostrade Concessioni e Costruzioni a été créée pour participer à la reconstruction des moyens de communication italiens fortement endommagés durant la Seconde Guerre mondiale. Elle reste dans l’histoire luxembourgeoise comme l’émettrice de la première euro-obligation. (Photo: Shutterstock)

La société Autostrade Concessioni e Costruzioni a été créée pour participer à la reconstruction des moyens de communication italiens fortement endommagés durant la Seconde Guerre mondiale. Elle reste dans l’histoire luxembourgeoise comme l’émettrice de la première euro-obligation. (Photo: Shutterstock)

À la fin des années 50, l’explosion des eurodollars accélère la naissance de la Place. La cotation en 1963 de l’euro-obligation Autostrade fait entrer le Luxembourg dans le cercle fermé des places financières internationales.

Replaçons-nous dans le contexte de l’époque.

Nous sommes à la fin des années 50. Alors que les activités bancaires sont strictement encadrées, les besoins de financement pour la reconstruction explosent. C’est pour répondre à ce boom de l’après-guerre qu’apparaissent les eurodollars. On désignait par ce nom les dollars détenus hors des États-Unis. Des dollars qui, grâce au plan Marshall, s’accumulent dans les livres des banques européennes et qui vont être utilisés dans des opérations de prêts internationaux. Ainsi naît le marché des eurodollars, qui connaît une expansion rapide après le retour à la convertibilité externe des monnaies européennes, fin 1958.

Très vite s’impose l’idée de recourir à ces fonds pour lancer des obligations en dollars à l’extérieur des États-Unis.


Lire aussi


En 1963 – année où on fête le millénaire de la création du pays – est lancé le premier emprunt obligataire international en eurodollars. International? L’émetteur était italien, le contrat d’admission était régi par le droit anglais, la place de cotation était au Luxembourg et l’emprunt était libellé en dollars. La petite histoire retiendra qu’il fut structuré pour le compte d’Autostrade, un concessionnaire d’autoroutes en Italie. Admis à la cote de la Bourse de Luxembourg le 17 juillet 1963, l’emprunt porte sur un montant de 15 millions de dollars avec un taux d’intérêt de 5,50% et une maturité de 15 ans. 

Et c’est le Luxembourg qui sera choisi pour l’émission de cette obligation pour la souplesse de sa réglementation. Les législations adoptées à la fin des années 1920 s’avèrent enfin payantes et s’épanouissent avec le développement de ce qu’il convient d’appeler le marché transnational de l’épargne. L’Interest Equalization Tax également adoptée en 1963 par les États-Unis renforce le mouvement. Destinée à freiner l’exportation de capitaux américains, elle augmente le coût des émissions étrangères aux États-Unis et rend les euro-obligations d’autant plus profitables.

Régime de faveur

À cette époque, le Premier ministre est Pierre Werner. Le fils spirituel de Pierre Dupong, le père des holdings 29. Issu du monde de la banque, son leitmotiv était d’attirer celles-ci sur la Place. Et comme Pierre Dupong, il estime que «les investisseurs ne trouvant pas l’avantage d’un régime de faveur ou de liberté à Luxembourg le trouveraient aisément ailleurs».

Les euro-obligations ouvrent de nouvelles perspectives pour la Place: les banques locales débordent de leur marché domestique pour devenir des banques d’affaires internationales et les banques étrangères prennent pied au Grand-Duché. Elles sont encouragées par la création en 1965 de la holding de financement, une structure permettant que des groupes internationaux puissent structurer leurs emprunts obligataires dans un cadre fiscal attrayant. Les titres de ces emprunts étaient exemptés de retenue à la source. 

Après la Deuxième Guerre mondiale, on comptait 10 banques au pays. Elles étaient 26 en 1967. Et 100 en 1979.

Les années 70 sont celles des pétrodollars. Cet afflux de liquidités lance un nouveau marché, celui des eurocrédits. Des prêts destinés au financement des États qui, à la suite de la fin des accords de Bretton Woods en 1971, ouvrent les vannes de l’endettement. Un nouveau marché pour la Place qui attire encore plus d’acteurs. Et de services. Les banques ont commencé à créer des services pour être agents payeurs, agents de cotation, dépositaires. Il y a eu besoin d’avocats pour rédiger les prospectus et les contrats d’émissions, de notaires et d’auditeurs.

Le pays, déjà engagé sans réserve dans la construction européenne, profite politiquement de cet essor. En 1970, c’est au Premier ministre Pierre Werner, considéré comme le père de la place financière, qu’est confiée la présidence d’un groupe d’experts chargés d’élaborer un plan d’union économique et monétaire pour l’Europe. Une reconnaissance sans appel.

Mercredi prochain, rendez-vous en 1970 au sujet du premier scandale d’Investors Overseas.