1,8 milliard d’euros, c’est environ 10% des dépenses de consommation au Luxembourg. Ou encore quasiment autant que ce que le gouvernement a mis sur la table (hors reports de paiement et garanties) pour venir en aide aux ménages et aux entreprises depuis mars 2020. (Photo: Nader Ghavami)

1,8 milliard d’euros, c’est environ 10% des dépenses de consommation au Luxembourg. Ou encore quasiment autant que ce que le gouvernement a mis sur la table (hors reports de paiement et garanties) pour venir en aide aux ménages et aux entreprises depuis mars 2020. (Photo: Nader Ghavami)

Michel-Edouard Ruben, économiste au sein de la Fondation Idea, évoque des pistes de réflexion pour utiliser l’épargne forcée accumulée de 1,8 milliard d’euros au Luxembourg. 

1,8 milliard d’euros, c’est environ 10% des dépenses de consommation au Luxembourg. Ou encore quasiment autant que ce que le gouvernement a mis sur la table (hors reports de paiement et garanties) pour venir en aide aux ménages et aux entreprises depuis mars 2020.

Cette épargne forcée accumulée par les résidents depuis le début de la crise sanitaire, en plus de l’épargne dite «normale», est répartie sur l’ensemble des comptes de dépôt des ménages résidents. La somme pourrait même être plus importante en considérant l’épargne forcée des frontaliers sur des comptes à l’étranger.

Toute la question est donc de savoir ce que va devenir ce «surplus» d’épargne. Les possibilités sont en théorie nombreuses. «Les voies que pourrait emprunter l’épargne excédentaire accumulée sont théoriquement illimitées. Mais, de façon concrète et réaliste, trois alternatives, partiellement complémentaires, s’offrent à cette épargne», estime Michel-Edouard Ruben, dans la  de la Fondation Idea. 

Surconsommer, investir ou thésauriser

En premier lieu, les 1,8 milliard d’euros pourraient fournir au consommateur des liquidités supplémentaires pour consommer, et même surconsommer. Certains iront même à dire pour mieux consommer. D’autres voudront tout simplement se faire plaisir. «La logique voudrait qu’elles soient consommées au fur et à mesure du retour à la normale», suppose l’économiste, en rappelant qu’en 2019, le taux d’épargne était de 24%, contre près de 32% en 2020.

Michel-Edouard Ruben nuance tout de même en soulignant qu’il faut encore que le consommateur puisse consommer et dépenser cette cagnotte. «Entre télétravail, commandes en ligne, services de streaming, meetings Zoom, désir de frugalité pour des raisons écologiques et mesures de restrictions sanitaires prolongées, il y a un risque non nul de faiblesse durable des dépenses de consommation sur le territoire émanant des ménages résidents et des frontaliers», pointe l’économiste.

D’un autre côté, les ménages pourraient également faire le choix de transformer cette épargne forcée en une épargne de précaution. Si le climat ambiant et social se fait de plus en plus anxiogène avec la crainte d’une hausse des impôts, d’une accélération de la pandémie ou encore d’une crainte pour son emploi et son avenir, ou d’une accélération générale du niveau des prix rognant la valeur réelle de leurs actifs, les ménages pourraient aussi faire le choix inverse et conserver cette épargne, même avec des taux d’intérêt très faibles.

Cette épargne pourrait également être utilisée pour l’investissement. En action ou en parts de fonds d’investissement ou dans la pierre. L’immobilier au Luxembourg et même dans la Grande Région restant sur des tendances très dynamiques ces dernières années.

Coup de pouce fiscal

L’économiste de la Fondation Idea propose d’autres pistes, comme la possibilité de mobiliser cette épargne pour renforcer le bilan des entreprises afin de garantir la solidité financière de celles-ci, notamment dans les secteurs qui risquent de connaître des difficultés aussi longtemps que la crise sanitaire demeurera. «La fiscalité est à cet égard un levier à activer. Sur le modèle des dispositifs fiscaux qui favorisent les placements peu risqués (principalement dans l’immobilier), il pourrait être mis en place un coup de pouce fiscal qui incite les épargnants à apporter des fonds propres aux entreprises», juge encore Michel-Edouard Ruben.

Pour éviter la baisse de la consommation, effet secondaire d’un télétravail généralisé ou de l’utilisation de l’e-commerce international, le tout conjugué, entre autres, aux mesures de restrictions sanitaires prolongées, Michel-Edouard Ruben souligne l’importance d’avoir «une réflexion approfondie au sujet de l’impact du télétravail sur la demande adressée aux entreprises dont le chiffre d’affaires est directement lié à la présence des salariés au bureau».

Pour rappel, luxembourgeoise et les finances publiques. Avec un jour par semaine, il estime à 350 millions d’euros le manque à gagner annuel pour le commerce et l’horeca.

«Dans la même veine, une attention particulière devrait être portée à l’utilisation des tickets-restaurant qui, dans le contexte de recours massif au télétravail, seraient détournés de leur utilisation première», conclut l’économiste.