Adopté d’urgence avec la crise sanitaire, le télétravail ne suit pas toujours les règles. Par exemple, rares sont les entreprises qui remboursent les frais de communication de leurs employés, comme stipulé dans le , référence actuelle. La pratique , et si elle doit se généraliser au-delà du Covid, le Conseil économique et social (CES) du Grand-Duché estime qu’il faudrait revoir son cadre. Trop rigide sur certains points, peu réaliste sur d’autres: il propose de le modifier, selon 10 recommandations:
1) Le télétravail reste volontaire
Le CES s’oppose à une obligation de télétravailler. Sa mise en place «requiert un accord bilatéral entre l’employeur et le salarié sur une base de double volontariat», écrit-il dans son rapport. Le refus par le salarié d’une proposition de télétravail ne constitue donc pas en soi un motif de licenciement. De même, le télétravailleur ou l’employeur peuvent à tout moment demander un passage ou retour à une forme de travail classique.
2) Une définition claire
Le texte actuel ne mentionne que le recours régulier au télétravail. Le CES veut l’élargir à la pratique occasionnelle. Il définit le télétravail comme «une forme d’organisation ou de réalisation du travail utilisant généralement les technologies de l’information et de la communication, de sorte que le travail qui aurait normalement été réalisé dans les locaux de l’employeur est effectué hors de ces locaux». Il devient occasionnel pour faire face à des événements imprévus ou quand il représente moins de 10% du temps de travail.
Sont exclus le détachement à l’étranger, le secteur du transport, les représentants de commerce, les espaces de coworking, les interventions ponctuelles par smartphone ou ordinateur et les prestations fournies à la clientèle en dehors de l’entreprise.
Le CES ne fixe aucune limite géographique et permet de télétravailler du monde entier.
3) Écrit obligatoire, même si c’est un SMS
L’avis du CES assouplit les conditions au niveau du contrat. Aujourd’hui, un avenant au contrat de travail est obligatoire. Il s’agirait d’accepter toute preuve écrite qui résume les conditions applicables au télétravail, même si c’est un mail ou un SMS.
Des accords individuels ne sont pas forcément nécessaires en cas d’accords collectifs.
Doivent figurer:
- le lieu du télétravail ou les modalités pour le déterminer;
- les heures et jours concernés;
- les modalités de compensation éventuelle des avantages en nature (point 7);
- le forfait mensuel pour la prise en charge des coûts de connexion et de communication (point 6);
- les modalités de retour à la formule de travail classique.
4) Informer la délégation du personnel
La délégation du personnel doit être «informée régulièrement du nombre de télétravailleurs et de son évolution au sein de l’entreprise». Les modalités concernant la transmission de ces informations sont décidées par l’entreprise.
Les partenaires sociaux réunis au sein du CES envisagent la possibilité pour les entreprises de définir un régime spécifique de télétravail, adapté à la situation particulière d’une société ou d’un secteur.
5) Respecter la vie privée du salarié
Le CES souhaite supprimer le paragraphe de la convention actuelle qui stipule que l’employeur peut avoir accès au lieu de télétravail pour veiller au respect des règles de santé et sécurité au travail et à la conformité des installations. Il estime à la place que «l’employeur doit informer le télétravailleur de la politique de l’entreprise en matière de sécurité et de santé au travail, et que le télétravailleur doit l’appliquer correctement». Ce dernier garde le droit de demander une visite d’inspection.
6) L’employeur fournit l’équipement seulement en cas de télétravail régulier
Le principe selon lequel l’employeur fournit le matériel de travail n’est pas remis en cause. Seulement, le CES se pose la question de son application concrète. Il conclut alors que, lorsque le télétravail est régulier, l’employeur est toujours obligé de fournir l’équipement de travail nécessaire et de prendre en charge les coûts directement engendrés, en particulier ceux liés aux communications.
Ce qui ne s’impose plus en cas de pratique occasionnelle. La convention donne la possibilité aux entreprises de trouver des solutions à la carte, comme la fourniture d’ordinateurs portables utilisables dans tous les locaux, pour éviter de doubler ses frais.
«À partir du moment où des équipements lui sont confiés, le salarié doit en prendre soin et aviser l’entreprise en cas de panne ou de mauvais fonctionnement», précise le rapport. «En corollaire de cette responsabilité du salarié, la convention doit assurer le droit du télétravailleur de demander un service approprié d’appui technique.» L’employeur assume toujours la responsabilité des coûts liés à la perte ou à la détérioration des équipements et des données utilisés.
7) Pas d’heures supplémentaires non payées
L’organisation du temps de travail suit les règles applicables au sein de l’entreprise. La charge et les critères de résultat sont donc équivalents pour les employés au bureau et ceux travaillant à domicile.
Les parties doivent convenir des modalités réglant la prestation des heures supplémentaires, qui s’alignent dans la mesure du possible sur les procédures internes à l’entreprise. L’employeur veillera à ce que le caractère exceptionnel des heures supplémentaires soit aussi strictement respecté pour les télétravailleurs. Toute disposition relative au droit à la déconnexion applicable à un travailleur classique s’applique aussi au télétravailleur.
8) Égalité de traitement…
Les télétravailleurs devraient bénéficier des mêmes droits et devoirs que leurs collègues au bureau. Cela vaut au niveau du temps de travail, comme évoqué ci-dessus, mais aussi du salaire, de l’accès à la formation et à des promotions, de la protection des données, etc.
Le télétravailleur a également les mêmes droits collectifs que les travailleurs dans les locaux de l’entreprise, notamment ceux liés à la représentation du personnel.
La perte éventuelle d’un avantage en nature doit être compensée pour le temps passé en télétravail. Ce droit ne s’applique pas lorsque cela est lié à la présence dans les locaux. Par exemple, une place de parking, l’accès à la cantine, etc.
Les partenaires sociaux réunis au CES sont d’avis qu’un traitement différent peut «être justifié par des raisons objectives, mais sans préjudice aux principes de non-discrimination».
9) … et d’assurance
Si l’Association d’assurance accident (AAA) et la jurisprudence exigent aujourd’hui un avenant au contrat de travail pour l’assurance des salariés en télétravail, le CES souhaite qu’ils acceptent désormais d’autres preuves écrites, comme le mail ou le SMS.
10) Lutter contre l’isolement
Le CES demande d’assurer l’accès aux informations de l’entreprise et la possibilité de rencontrer régulièrement ses collègues, même pour les télétravailleurs, afin d’éviter leur isolement social.
La suite
L’avis a été publié. «Maintenant, le gouvernement en fait ce qu’il veut», explique , président du conseil. Il espère que le ministère du Travail s’en saisisse et signe un accord avec les partenaires sociaux, avant de publier un règlement grand-ducal. Optimiste, il prévoit cela «d’ici la fin de cette année».