La Fondation Idea a rendu son avis 2022 sur l’économie mondiale et luxembourgeoise. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

La Fondation Idea a rendu son avis 2022 sur l’économie mondiale et luxembourgeoise. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Perspectives de croissance, chômage, inflation, prix de l’immobilier, réformes fiscales, pollution… Voici, en 10 chiffres, ce que la Fondation Idea retient de 2021 et prévoit pour les années à venir au niveau de l’économie luxembourgeoise.

La Fondation Idea a présenté à la presse, jeudi 31 mars, son avis annuel 2022 et son consensus économique, pour lequel elle a consulté un panel de décideurs économiques. Ensemble, ces deux documents détaillent la santé de l’économie luxembourgeoise au regard d’autres pays et les perspectives pour les années à venir. Malgré l’incertitude qui plane à cause de la guerre en Ukraine.

Voici 10 chiffres à en retenir.

2,3%: la croissance du PIB en 2022 selon les décideurs économiques

«Le Luxembourg ne s’en est pas trop mal sorti, par rapport à d’autres pays», introduit Muriel Bouchet, directeur de la Fondation Idea. «Dès le troisième trimestre 2021, nous étions revenus au PIB d’avant-crise». Il a augmenté de 6,9% en 2021. Ceci grâce aux aides de l’État, aux spécialisations sectorielles et aux nombreux emplois dans des secteurs «télétravaillables» selon lui. Mais la guerre en Ukraine crée de nouvelles incertitudes. Si bien que, pour l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le conflit en Ukraine risque de faire chuter de 1,4% le PIB en zone euro et de 1,1% dans le monde en 2022.

Côté luxembourgeois, Idea a interrogé 118 décideurs économiques entre le 9 et le 18 mars 2022. Ils projettent une croissance du PIB de 2,3% en 2022, au lieu des 3,5% prévus par le Statec en février. Et de 2,4% au lieu de 4% en 2023.

Des prévisions tout de même moins pessimistes que celles que ces décideurs avaient faites avant la crise du Covid. «Le panel avait vu une récession de 5% au Luxembourg, alors qu’au final, elle a été autour de 2%», rappelle l’économiste Vincent Hein. «Un peu comme si les membres du panel se disaient qu’on allait résister à cette crise comme on a résisté à la crise du Covid.»

Michel-Edouard Ruben, économiste à la Fondation, avance plusieurs raisons: le fait que la Russie a une «intégration faible dans l’économie mondiale». Et que «des principes protègent l’économie». Tout en nuançant: «Les prévisionnistes sont très mauvais en situation de crise. Nous n’avons pas assez de recul sur la guerre en Ukraine». Idea soulève tout de même que le gaz russe représente 40% de la consommation de gaz dans l’Union européenne. Et que la Russie et l’Ukraine représentent 30% des exportations mondiales de blé.

-14,1% de valeur ajoutée dans l’horeca

Si le Luxembourg a pour le moment bien résisté à la crise, les chiffres montrent tout de même des disparités entre secteurs pour l’année 2021. Sans surprise, le plus touché est l’horeca. Idea calcule une diminution de sa valeur ajoutée de 14,1%. À l’inverse, ce sont les technologies de l’information et de la communication (TIC) qui ont le plus augmenté leur valeur ajoutée: +10,1%.

5,1%: le taux de chômage en 2022 selon les décideurs économiques

Le marché du travail s’en est lui aussi bien sorti, avec la création de 22.000 emplois dont 16.700 en 2021, «un record» et «un franc contraste avec la zone euro», décrit Muriel Bouchet. Selon les derniers chiffres du Statec, le taux de chômage s’élève aujourd’hui à 4,9%. Après les 5,2% de décembre 2021, les décideurs économiques tablent sur une stagnation à 5,1% en 2022, puis à 5,2% en 2023, plus que les prévisions du Statec faites en février: 4,7% pour 2022 et 4,5% pour 2023.

5,4%: le taux d’inflation qu’ils imaginent en 2022

La guerre en Ukraine fait déjà exploser les prix, et les décideurs économiques en ont bien conscience dans leurs prévisions. Ils imaginent une hausse de 5,4% des prix en 2022 (contre 4,4% pour le Statec en février) et de 3,6% en 2023 (au lieu de 1,3%).

28,2% du PIB: la dette publique en 2027

Une autre prouesse de l’économie locale se trouve dans les recettes publiques, qui ont opéré «un rétablissement qui aurait pu sembler inespéré». Après avoir diminué de 4% en 2020, elles ont rebondi de 15,6% en 2021, et ce de manière «équilibrée» entre les différents postes. Même si là encore, les aides liées à l’inflation pourraient les toucher de nouveau. Pour les décideurs économiques, la dette publique luxembourgeoise risque d’augmenter pour passer de 25,9% du PIB à 28,2% d’ici 2027.

4,6%: le rendement de l’impôt sur les sociétés au Luxembourg

Idea soulève plusieurs défis auxquels devra faire face le gouvernement. Le premier: la réforme fiscale internationale, qui prévoit un taux d’imposition minimum de 15% pour les entreprises multinationales en 2023. Au Luxembourg, les recettes de ces impôts sont «beaucoup plus élevées que dans d’autres pays». Elles représentent 4,6% du PIB en 2020, contre 2,3% pour la France ou 1,1% pour les États-Unis. De manière «statique», on pourrait penser que la réforme va augmenter encore ces recettes pour le pays. Mais d’un point de vue «dynamique», la réforme pourrait amener à des relocalisations, et donc, à un «bain de sang en termes de recettes publiques», selon Muriel Bouchet. «Actuellement, difficile de dire si on va vers un scénario positif ou négatif. Il faut, de la part du gouvernement, une stratégie d’attente agile.»

0,1%: le rendement de l’impôt foncier au Luxembourg

Idea met en avant le besoin d’une réforme de l’impôt foncier au Luxembourg. Où il représente moins de 0,1% du PIB en 2020, contre 3% en France, par exemple. Un taux «ridiculement faible». L’augmenter représente «un potentiel de recettes additionnelles considérables» pour les caisses de l’État, et un «moyen de lutter contre la rétention immobilière».

Ce qui répond au second défi mis en avant par l’avis 2022 de la Fondation: «rendre le logement accessible pour tous». Aujourd’hui, il faut six ans à un couple avec un salaire moyen pour se payer 100m2, contre deux ans en 1990.

Les décideurs économiques sont en revanche optimistes sur le sujet de l’immobilier. Ils projettent un prix du mètre carré à 10.450 euros en 2030. «On pourrait débattre de cette estimation», prévient Vincent Hein. Il en retient que «les prix continueraient à augmenter, mais de manière moins importante que lors des décennies précédentes». Cette hausse estimée de 38% serait «la plus faible depuis les années 70».

En tout cas, 70% sont d’accord avec la nécessité d’augmenter l’impôt foncier au Luxembourg. Et 78% disent qu’il faut conduire une réforme fiscale immobilière qui conditionne les aides aux revenus.

56% contre une réforme de l’index

Sujet plus clivant, celui de l’index. 56% des décideurs économiques sont contre une réforme de ce dernier pour qu’il ne s’applique qu’aux revenus les moins élevés.

5% de croissance nécessaires pour financer les pensions

Le problème n’a pas été exacerbé par la crise, il n’a pas non plus disparu: celui du financement des pensions. À ce rythme, il faudrait une croissance de 5% du PIB pour les assumer. Une réforme des pensions permettrait, selon Idea, de tenir avec un taux de croissance annuelle de 3%, plus réalisable. Il s’agirait, par exemple, de réviser à la baisse les pensions les plus élevées.

13% d’émissions de CO2 en moins en 2021 qu’en 2019

Après l’année 2020 marquée par les confinements et le télétravail massif, les émissions de CO2 ont forcément augmenté en 2021. Mais elles restent 13% en dessous de leur niveau de 2019, selon les premières estimations. Peut-être un effet de la poursuite du «télétravail ou de la taxe CO2». Pour la suite, cependant, l’espoir retombe. Alors qu’en 2021, 46% des décideurs économiques jugeaient les objectifs climatiques pour 2030 atteignables au Luxembourg, ils ne sont plus que 31%. Au niveau des objectifs européens, on passe de 44% de décideurs optimistes à 28%.