En tant que directrice régionale pour l’Ukraine et la Moldavie de la SFI, Lisa Kaestner s’efforce de mobiliser des investissements pour soutenir le secteur privé ukrainien.  (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

En tant que directrice régionale pour l’Ukraine et la Moldavie de la SFI, Lisa Kaestner s’efforce de mobiliser des investissements pour soutenir le secteur privé ukrainien.  (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Le forum d’affaires Rapid Recovery of Ukraine a lieu ce 31 janvier. Avant l’événement, Delano s’est entretenu avec l’intervenante Lisa Kaestner, qui occupe le poste de directrice régionale pour l’Ukraine et la Moldavie de la Société financière internationale, qui fait partie du groupe de la Banque mondiale.

La Société financière internationale (SFI) fait partie du groupe de la Banque mondiale et se concentre sur le secteur privé. Elle a annoncé en décembre une enveloppe de 2 milliards de dollars pour répondre aux besoins immédiats du secteur privé ukrainien, qui contribuait jusqu’alors à environ 70% du PIB du pays.

Comme l’explique Lisa Kaestner, la SFI a réalisé des investissements importants en Ukraine depuis que le pays est devenu membre de l’organisation il y a 30 ans. «Nous avons réussi à maintenir un engagement, même avec tous les risques de la guerre», explique la directrice régionale, qui a pris ses fonctions actuelles en juillet et dont la carrière en Europe de l’Est remonte aux années 1990.

Cependant, depuis que la guerre a éclaté, l’importante clientèle ukrainienne de la SFI a subi des dommages, directement ou indirectement (problèmes de chaîne d’approvisionnement, etc.). La SFI a continué à fournir une aide à court terme, mais pas seulement – en tout, environ 60 millions de dollars d’échanges commerciaux (40 millions de dollars d’importations, 20 millions de dollars d’exportations).

Mais la raison pour laquelle cet événement et les discussions entre les différents partenaires potentiels de l’Ukraine sont importants est que les risques sont si élevés en ce moment qu’il est très difficile d’attirer des investissements commerciaux classiques. «Même attirer des investissements de la SFI est un défi, car nous prenons des risques en termes commerciaux normalement – mais le risque est tellement élevé en Ukraine.»

Répondre aux besoins immédiats du secteur privé

La responsabilité de Mme Kaestner consiste à superviser la réponse de la SFI à la guerre et le programme de redressement en Ukraine. Elle est également chargée de mobiliser le soutien et les investissements pour aider le secteur privé dans le pays.

Si le ministère ukrainien de l’Économie estime que 5 millions d’emplois ont été perdus à cause de la guerre, l’enveloppe de 2 milliards de dollars vise cependant à atténuer les difficultés à court terme du secteur privé. «Pour ce faire, nous avons besoin de partenaires, probablement surtout des gouvernements, pour travailler avec nous, pour nous aider à réduire le risque d’une partie de l’investissement, dans l’idée que nous en porterions environ la moitié sur notre propre bilan», explique Lisa Kaestner. Des discussions bilatérales sont déjà en cours.

«L’un des aspects intéressants de cette approche est que, si nous obtenons 1€ d’un partenaire, cela permettra d’obtenir un autre 1€ de la SFI sur le bilan. Nous avons également des investissements de banques partenaires ou de partenaires locaux sur le terrain», ajoute la directrice régionale. «Nous estimons, sur la base des opportunités que nous voyons en Ukraine en ce moment, que 1€ de soutien de la part d’un partenaire pourrait apporter 4€ à l’économie ukrainienne.»

Des dommages cumulés

En outre, les semis de céréales d’hiver ont été réduits de 40%, sans parler des défis posés à l’exportation des céréales: les blocages liés à la guerre ont impacté les greniers et même la mer Noire pendant des mois. Autant de facteurs qui ont menacé non seulement le secteur agricole ukrainien, mais aussi la sécurité alimentaire et les prix mondiaux.

«À un moment donné, même le stockage était bloqué, de sorte que les Ukrainiens ne pouvaient même pas sortir les céréales», explique Lisa Kaestner. Et c’est un problème qui peut être aggravé à plus long terme, étant donné que le mouvement des céréales peut avoir un impact sur les futurs plans d’ensemencement, plus sensibles au facteur temps.

Une partie de cette situation a pu être atténuée: par exemple, 18 millions de tonnes de céréales et d’autres denrées alimentaires ont été exportées dans le cadre de l’initiative Black Sea Grain, négociée entre les Nations unies et la Turquie en juillet 2022. Le maintien du flux de céréales de l’Ukraine est resté une priorité, non seulement pour l’Ukraine elle-même, mais aussi pour assurer la sécurité alimentaire mondiale.

Le rôle du Luxembourg

Bien que beaucoup aient espéré que la guerre se termine bientôt, à moins d’un mois de l’échéance d’un an, les institutions financières internationales se concentrent désormais sur le maintien du secteur privé.

«Ils paient des impôts, fournissent des emplois, génèrent des recettes d’exportation, produisent les biens dont les gens ont besoin au quotidien. Si vous laissez ce fragile équilibre s’effondrer, vous repartirez d’une base encore plus basse quand vous commenciez à penser à la construction.» Une facture de reconstruction qui, en juin 2022, s’élevait déjà à 350 milliards de dollars.

Lisa Kaestner explique que la SFI a investi 160 millions de dollars avec des partenaires luxembourgeois dans le monde entier, dont près de 90% avec des partenaires du secteur financier luxembourgeois. «Quand on pense à l’Ukraine et à l’importance d’y attirer des financements, maintenant, mais aussi plus tard dans la reconstruction, j’imagine que le secteur financier luxembourgeois pourrait jouer un rôle vraiment fort dans ce financement, s’il peut trouver des moyens de gérer le risque. Ce qu’il pourrait faire, je l’espère, en partenariat avec des institutions financières internationales comme la SFI.»

Cet article a été rédigé par  en anglais, traduit et édité par Paperjam en français.