«Au début, nous les avons pris pour des amateurs.» Robert Fornieri descend de sa voiture. À 45 minutes de la prise de contrôle officielle de l’usine de Dudelange par Sanjeev Gupta le CEO de GFG Alliance, le secrétaire général adjoint du LCGB ajuste sa cravate et sa veste.
Le ton a changé. Le recrutement de Jon Bolton, expert mondial de l’acier, la présence régulière des dirigeants du groupe à Dudelange, notamment celle du directeur général du double site de Liège et de Dudelange Frédéric Tancrez, ont rassuré des syndicats. Qui resteront vigilants, promettent-ils. Derrière Husky, l’administration communale et Guardian, l’usine est le quatrième employeur de la commune, avec 300 personnes.
«Depuis qu’ils sont là, ils ont réagi vite, ils se sont impliqués, ils ont essayé de convaincre. Preuve qu’à contrario, ArcelorMittal n’était pas opposée à l’idée de se débarrasser de certaines entités du groupe», analyse encore M. Fornieri.
Six usines pour 740 millions d’euros
Pour acheter l’Italienne Ilva et s’adresser à un marché italien en plein essor, le numéro un mondial de l’acier a dû se défaire de six usines, en Europe de l’Est, en Belgique et au Luxembourg. Le deal à 740 millions d’euros, conclu début juillet après le feu vert européen, permet à Liberty Steel de se hisser au troisième rang européen des producteurs d’acier.
Mais mardi matin, sous un ciel d’automne menaçant, il s’agissait de hisser les deux drapeaux du groupe, le bleu pour Liberty Steel et le blanc pour GFG Alliance, à côté du drapeau luxembourgeois.
«Nous sommes une famille, plus qu’une entreprise. Une famille», insiste le CEO de GFG Alliance, Sanjeev Gupta, lors de sa première conférence de presse au Luxembourg. «Nous n’avons pas d’autre actionnaire assez important pour nous dire ce que nous devons faire!»
La fin des 100 jours repoussée à fin novembre
S’il semble bien connaître chaque paramètre du marché de l’acier et de chacune de ses (nouvelles) usines, le patron de la maison-mère de Liberty Liège-Dudelange demande encore de la patience. À l’issue des 100 jours, officiellement fin septembre, mais qui tomberont finalement plutôt mi-novembre, le groupe dévoilera sa stratégie.
Avec deux millions de tonnes qui sortent des dix lignes de production de ses trois usines de Tilleur, Flémale et Dudelange, Liberty Liège-Dudelange (LLD) réalise un chiffre d’affaires d’1,2 milliard d’euros. Si ArcelorMittal avait ralenti la cadence de la production d’électrozinc à à peine 50% des capacités de l’usine, les nouveaux maîtres veulent tourner à plein régime et surtout que cela se sache.
«Nous allons communiquer et lancer une campagne de communication là-dessus», promet le directeur du double site, Frédéric Tancrez. «Réunir Liège et Luxembourg fait du sens en termes de logistique et de transport», explique-t-il encore.
La veille à Liège, M. Gupta a annoncé six millions d’investissements à court terme. Son enveloppe initiale était de dix millions d’euros pour les deux sites, mais à Dudelange, il ne donne pas le chiffre de 4 millions d’euros attendu. «Les investissements annoncés à Liège étaient plus urgents», concède-t-il. «Nous verrons cela avec la stratégie!»
Une stratégie de «green steel»
«Depuis 20 ans, la plus grosse industrie du monde moderne est en déclin. Mais cette industrie reste viable», assure-t-il devant une audience de 200 à 300 personnes réunies sous une tente blanche. «Nous voulons développer une stratégie de Green Steel partout en Europe, que notre activité soit durable sur le triple plan de l’environnement, de l’économie et du social. Nous voulons faire des investissements, nous avons des ambitions, nous visons une croissance rapide et pour cela nous prendrons des mesures rapides!»
Pour autant, l’homme d’affaires qui a toutes sortes d’activités dans un groupe polyforme n’est pas naïf. Il sait bien qu’il a un «dragon à trois têtes» – comme il l’appelle – à affronter: des coûts énergétiques liés au prix de l’électricité, les coûts du CO2 qui risquent de doubler à court terme et une concurrence internationale qu’il situe plutôt en Turquie et en Russie qu’en Chine.
Au moment où il quitte la petite scène, une bouteille de liqueur de quetsche produite à Contern en mains, le nouveau visage de l’acier mondial voit le seul officiel lui succéder. Le Premier ministre est aux États-Unis pour les Nations unies et le climat et le vice-Premier ministre est au Maroc pour une mission économique.
C’est le bourgmestre de Dudelange, , qui assure son hôte qu’il est le bienvenu.
«Dudelange a toujours compris que les migrations étaient une ressource et pas une menace! Notre ville est ouverte et tolérante et héberge des citoyens de plus de 100 nationalités», explique-t-il, pressé de partir de la Chambre des députés où il est attendu.
Les deux hommes hissent les deux drapeaux. Ils embarquent quelques cadres, quelques VIP et les journalistes pour une visite des deux lignes de production dudelangeoise et une première conférence de presse.
Dans la tente blanche, l’ambiance est bon enfant. Pas vraiment «galvanisée» par le CEO, mais confiante en attendant la stratégie.