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Jean-Pascal Nepper, associé advisory – head of customer & operations chez KPMG Luxembourg. 

Il est coutume de dire depuis plusieurs années que la banque privée au Luxembourg est à la croisée des chemins. En effet, depuis l’accord de Feira en 2000, qui définissait les prémices d’un système d’échange d’informations et qui trouva son terme 15 ans plus tard, les crises financières de 2002 et de 2008, qui ont considérablement marqué le paysage bancaire luxembourgeois, une forte pression réglementaire dissimulée derrière de multiples acronymes ésotériques – CRD, MiFID, PSD, etc. –, les processus de vente et de consolidation dans un secteur plutôt épargné jusqu’ici, et, enfin, le repositionnement stratégique de la majorité des acteurs vers une clientèle plus fortunée et, partant, plus sophistiquée, exigeant dès lors une qualité de services accrue et des compétences renforcées, les banques privées luxembourgeoises ont déjà traversé bon nombre de carrefours!

Et voilà qu’elles font aujourd’hui face à un nouveau défi, celui de la transformation digitale! Et il ne s’agit plus ici d’un simple carrefour, mais de ce qui ressemblerait plutôt au rond-point de l’Arc de triomphe, tant il est encore difficile de savoir comment véritablement aborder cette question.

En effet, tandis que ceux qui sont déjà dans le rond-point regardent constamment autour d’eux pour s’assurer d’être dans la bonne direction, d’autres se demandent à quel moment propice et de quelle manière ils devraient s’engager, tandis qu’une troisième catégorie se pose encore la question de savoir s’il est bien opportun de passer par là!

En termes d’offre digitale, deux questions principales se posent actuellement aux banques privées.

Jean-Pascal NepperJean-Pascal Nepper, Associé advisory  –  Head of customer & operations (KPMG Luxembourg)

Plus précisément, en termes d’offre digitale, deux questions principales se posent actuellement aux banques privées. D’une part, quelle offre digitale peuvent-elles offrir à leurs clients et, d’autre part, quelle offre digitale veulent-elles offrir à leurs clients?

La première question, bien qu’elle soulève de nombreuses sous-questions en matière d’investissement financier, de business case, de technologie, de sécurité informatique, de capacité de livraison, d’«agilité» dans le projet, etc., reste cependant, sinon triviale, à tout le moins très opérationnelle et très actionnable puisqu’il ne s’agit ici, ni plus ni moins, que de mettre en place une approche de roadmap et de gestion de projets, à l’instar de tout autre projet.

La deuxième question, au contraire, pour anodine qu’elle puisse paraître, est beaucoup plus complexe et relève des ambitions stratégiques de la banque. Quelles sont les attentes d’un client de banque privée en matière digitale? Celles-ci sont-elles différentes en fonction de l’âge (comme on l’imagine souvent, bien que nous ayons tous en tête autant de contre-exemples qui viennent infirmer cette perception), de l’origine, des actifs sous gestion?

Le fait d’offrir des services digitaux aux clients de banque privée représente-t-il un risque de perdre ou de détendre ce lien, parfois presque intime, entre le client et son relationship manager? Y a-t-il un risque de cannibalisation des services, lorsqu’on parle, par exemple, d’outils de type robo-advice (pour une clientèle souvent plus «affluent», il est vrai)? Est-ce un élément différenciateur ou une commodité qu’on ne peut de toute façon pas ne pas offrir? En un mot, jusqu’où faut-il aller dans l’offre digitale en banque privée?

N’oublions pas que, de manière générale, en tant que client, nos meilleures expériences deviennent nos références.

Jean-Pascal NepperJean-Pascal Nepper, Associé advisory  –  Head of customer & operations (KPMG Luxembourg)

Dans tous les cas, rester tout à fait en dehors du rond-point est une option sans doute particulièrement périlleuse. En effet, n’oublions pas que, de manière générale, en tant que client (et nous sommes tous des clients!), nos meilleures expériences deviennent nos références, et que nous avons dès lors tendance à comparer nos expériences, tous secteurs confondus.

Si je peux accéder à un outil digital de planification et de gestion de mes dépenses auprès de ma banque de détail, si je peux suivre au kilomètre près toutes mes commandes en ligne sur Amazon, si Spotify peut me proposer spontanément des titres qui correspondent à mon «profil» d’utilisateur, si Runtastic peut compiler plus d’indicateurs de performance que je ne peux en comprendre, pourquoi ma banque privée ne me permettrait-elle pas, par exemple, d’accéder à un rapport de gestion dynamique en ligne, de recevoir des propositions d’investissement correspondant à mon profil d’investisseur ou de chatter avec mon relationship manager à ma meilleure convenance?

C’est ainsi que, quand il s’agit de définir leur positionnement et leur offre en matière de digital, il est important pour les banques privées de tout d’abord bien définir leur proposition de valeur, celle qui leur permet de se démarquer de leurs concurrents, de se différencier. Ensuite, il s’agit de cerner précisément les exigences et les attentes de leurs clients, ce qui passe bien sûr par des retours d’expérience client via des exercices de collecte de feed-back, des groupes de discussion, etc.

Enfin, il est crucial d’impliquer l’ensemble des collaborateurs, et notamment les relationship managers, qui doivent voir dans les outils digitaux autant d’opportunités de mieux servir leurs clients dans une perspective omnicanal.