Il a la voix claire et n’hésite pas à prendre le temps de répondre à chaque demande d’interview. Mais Sven Clement (29 ans), le président du Piratepartei, l’avoue: oui, il est fatigué. La soirée électorale de dimanche aura été longue, mais belle. Il est vrai que les Pirates ont de quoi pavoiser. Avec 6,45% des suffrages pour 2,94% en 2013, ils font une entrée fracassante à la Chambre avec deux députés, Sven Clement en personne (élu dans le Centre) et Marc Goergen (élu dans le Sud). «Le pari est réussi», analyse Sven Clement, auprès de Paperjam. «On avait prévu 5% dans toutes les circonscriptions et c’est ce qui est arrivé. Notre plan a fonctionné.» Tellement bien «qu’à un moment nous avons espéré quatre élus».
Les autres ne savaient pas exactement quel degré de sérieux nous méritions.
Sven Clement, président du Piratepartei
Le Piratepartei a d’ailleurs surpris quelques observateurs et acteurs de la vie politique luxembourgeoise. «Je pense que nous étions déjà pris au sérieux. Mais je suis aussi certain que les autres ne savaient pas exactement quel degré de sérieux nous méritions. Beaucoup ont fait l’erreur de regarder vers l’Allemagne ou la France, où nous ne pesons pas encore. Mais Pirate, c’est une réussite en Islande, dans les pays baltes, en Slovénie, en République tchèque… C’est là qu’il fallait regarder.»
Le succès, Sven Clement l’explique par un travail de terrain. «Nous avons été à la rencontre des gens pour les écouter, en effet.» Mais aussi par une campagne digitale ultra-efficace, «notamment là où on n’a pas l’habitude d’être, notamment des sites comme Youporn ou Pornhub».
Un nouveau président en décembre
Il y aura en tout cas pour Pirate un avant et un après 14 octobre. «Ce que cela va changer? Il est encore très tôt pour le dire. Je vais en tout cas quitter mon poste de président lors de notre congrès ordinaire de décembre. Nous avons évidemment en interne des profils pour reprendre cette fonction, et des gens intéressés.» Le danger sera d’assister à une guerre de succession. «C’est un danger que l’on doit prendre en compte. Mais ce ne sera pas le cas. Et au final, ce sont les membres qui décident», commente Sven Clement, qui souhaite aussi «aller vers plus de professionnalisme, notamment en recrutant certains profils. On aura en tout cas quelques moyens financiers de plus. Le Piratepartei a été lancé comme une start-up et celle-ci a trouvé ses parts de marché!»
Deux autres chantiers vont aussi débuter sous peu. «D’ici deux semaines débuteront les préparatifs des prochaines élections européennes.» Il s’agira pour le Piratepartei «de profiter du ‘momentum’ qui nous est très favorable» et d’engranger un nouveau succès. Plus rapidement encore, Sven Clement et Marc Goergen devront délimiter leur champ d’action au sein du Parlement. «Qui va traiter quelles matières et cela dans quelles commissions? Nous ne savons pas encore. Mais cette discussion va avoir lieu très vite.» Sans surprise, Pirate compte régulièrement évoquer «la participation citoyenne, la transparence de la vie publique, la question de la fiscalité des personnes physiques, le logement et la mobilité.»
Ma vie va changer.
Sven Clement, président du Piratepartei
Sven Clement, qui vit à Beggen, frétille d’impatience à l’idée de siéger. Mais avant cela, il lui faudra ajuster quelques paramètres. «Ma vie va en effet changer. Je souhaite continuer à travailler. Je vais discuter avec mon épouse et mon associé, afin de trouver la meilleure formule qui nous mettra notamment à l’abri des conflits d’intérêts.» Sven Clement a fondé avec Jerry Weyer la société Clement & Weyer, active dans la consultance dans le digital.
Très actif dans les milieux estudiantins où ont eu lieu ses premiers engagements «politiques», au sein d’organisations de représentation des élèves, Sven Clement a eu le cœur à gauche avant de se muer en «social-libéral». «Alors que je viens d’une famille de Luxembourg, plutôt libérale. Puis, un jour, j’ai entendu des membres du LSAP dire: on a perdu, mais nos sièges sont confirmés. J’ai été révolté par cela.» Il porte alors le Piratepartei sur les fonts baptismaux en 2009, avec Jerry Weyer. Neuf ans plus tard, il a inscrit de manière très lisible le nom de son parti sur la carte politique de son pays.