Le président de la Cour de justice, Koen Lenaerts, voit également son renouvellement de 2021 à 2027 acté par l’ordonnance de sa vice-présidente. (Photo: Romain Gamba/archives Maison Moderne)

Le président de la Cour de justice, Koen Lenaerts, voit également son renouvellement de 2021 à 2027 acté par l’ordonnance de sa vice-présidente. (Photo: Romain Gamba/archives Maison Moderne)

L’avocat général grec dont la nomination avait été suspendue par le Tribunal de l’UE a prêté serment jeudi matin, à l’issue d’un retournement de situation rocambolesque.

Si Paperjam évoquait mercredi autour de l’avocat général Eleanor Sharpston, difficile de trouver les mots après un nouveau rebondissement jeudi matin.

Athanasios Rantos, l’avocat général nommé par la Grèce, a en effet été assermenté et a signé son engagement lors de l’audience de la Cour jeudi matin. Or, une ordonnance du Tribunal de l’UE, saisi en référé par Mme Sharpston, , estimant recevables les arguments selon lesquels celle-ci pouvait être entachée d’illégalité. Le mandat de Mme Sharpston devait en effet courir jusqu’au 6 octobre 2021 et a priori, il n’est pas prévu que ce mandat puisse être révoqué en cours de route, en vertu de l’indépendance des membres de la Cour.

Que s’est-il donc passé dans les couloirs de l’auguste institution ? La vice-présidente de la Cour, Rosario Silva de Lapuerta, a examiné le pourvoi du Conseil de l’UE porté contre le jugement de référé du Tribunal et l’a jugé recevable, balayant par la même occasion la suspension de la nomination du Grec. Plus aucun obstacle ne s’opposant à la nomination de M. Rantos, celle-ci est donc réputée valide. Et comme l’intéressé était présent dans la salle d’audience ce jeudi matin, la Cour a pu l’inviter à prêter serment pour entériner son entrée en fonction.

Vers une procédure pour le principe

Paperjam a pu consulter les ordonnances de la vice-présidente. Se fondant sur les pièces fournies et sans entendre les parties, comme les juges Coulon et Collins du Tribunal de l’UE samedi dernier, Mme Silva de Lapuerta en tire des conclusions diamétralement opposées. Elle partage le raisonnement du Conseil selon lequel «l’acte litigieux a été adopté non pas par le Conseil de l’Union européenne, mais par les représentants des gouvernements des États membres». Or, seuls les actes pris par les institutions sont soumis au contrôle de légalité de la CJUE. «Le juge des référés du Tribunal a commis une erreur de droit», conclut la vice-présidente, prononçant l’annulation de l’ordonnance du Tribunal.

Un coup de massue pour Mme Sharpston et peut-être le clap de fin de sa résistance. Elle doit désormais attendre que ses recours soient examinés sur le fond par le Tribunal de l’UE, dont le délai de traitement s’établit à 16,9 mois en moyenne en 2019. En attendant, M. Rantos est officiellement en fonction – il apparaît déjà sur le site de la Cour, le profil de Mme Sharpston ayant été retiré avant midi. En clair, le temps que le Tribunal se penche sur cette affaire, la fin initiale de mandat de Mme Sharpston (6 octobre 2021) sera passée depuis longtemps.

Voilà donc un retournement de situation inédit et intrigant, alors que la présidence de la Cour est déjà critiquée dans certains cercles juridiques européens pour avoir déclaré vacant le poste de Mme Sharpston et rejeté un premier recours de celle-ci au printemps.

Nul doute que certains dirigeants européens sauront apprécier cet épisode sulfureux alors qu’ils voient d’un mauvais œil la Cour de justice épingler leurs réformes affectant l’indépendance des juges.